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24 mars 2023 5 24 /03 /mars /2023 20:07

Qui une fois dans sa vie ne s’est dit qu’il n’avait pas de chance ?

Perte d’un être cher, d’un travail, projets qui échouent, c’est somme toute assez courant.

Depuis quelques années, après avoir lu, participé à des formations, séminaires, conférences, rencontré des personnes très enrichissantes j’ai compris que seule notre façon d’être, notre état d’esprit étaient capables d’influer sur notre vie et que nous devions en priorité faire en sorte de ne pas être influencé par ce qui nous est extérieur.

Savoir ce que l’on veut (et pas ce que l’on ne veut pas, attention au pouvoir des mots), penser positif, ne pas se laisser envahir par ce qu’il y a de plus noir, ce que nous ne pouvons maîtriser, sont des aptitudes à développer.

Savoir dire NON ou STOP est salvateur.

Là est la raison d'être de cette lettre d’une fille à ses parents …

Dominique

Papa, Maman

Lorsque vous prendrez connaissance de cette lettre, comme je suis lâche, je serai déjà loin. Je sais ! ce n’est pas vraiment élégant mais je n’ai pas pu faire autrement et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. Seulement, voilà, jamais vous n’écoutez ce que l’on a à vous dire !

Depuis que je suis petite j’ai le sentiment de ne pas m’appartenir, j’ai fait les études que toi Papa tu voulais faire, je n’ai pas appris le piano parce que tu pensais que c’était une perte de temps. J’aurais aimé faire de la danse mais la natation te paraissait nettement plus utile. Sans doute vas- tu penser que je semble m’adresser à toi seul, comment faire autrement puisqu’à la maison c’était toi qui décidais de tout, Maman se contentant de t’obéir au doigt et à l’œil. Moi j’aurais bien aimé être à la place de mes cousines mais, disais-tu, « élevées par une suffragette je leur promets bien

du plaisir par la suite » ! Et bien figure toi qu’aujourd’hui c’est auprès d’elles que je me trouve.

Lorsque j’ai rencontré Pierre, il ne vous convenait pas, trop frivole, pas assez d’années d’études derrière lui, il ne vous semblait pas voué à une grande carrière. J’étais mineure, je me suis inclinée. Puis il y a eu Patrick. Lui non plus ne vous plaisait pas mais comme j’avais atteint l’âge de la majorité vous vous êtes inclinés vous contentant de vous montrer odieux en notre présence. Notre histoire s’est vite terminée mais ce n’était pas de votre fait. Non, une amie m’a aidée à y voir clair en me déclarant que Patrick te ressemblait à plus d’un titre, Papa. Il est vrai qu’il n’admettait pas d’être contrarié. Électrochoc, cela m’a fait peur, nous nous sommes quittés.

Les années ont passé et puis un jour j’ai rencontré Vincent, coup de foudre réciproque. Nous vivions sur notre nuage quand l’orage nous est tombé dessus. Un banal accident de la route a eu raison de ce bonheur qui s’est quand même concrétisé dans la durée puisque Marie est née de cette brève union, jamais officialisée.

Un reproche constant chez vous, fille mère ! Qu’allait-on penser ?

Je me suis effondrée et, loin de moi l’idée de vous le reprocher, vous nous avez recueillies pendant le temps qu’a duré cette grave dépression. Vous avez offert à Marie la sécurité et l’attention que je n’étais plus capable de lui offrir, elle s’est attachée à vous et lorsque j’ai émergé du néant dans lequel je baignais il était trop tard pour inverser la vapeur. J’ai bien tenté d’obtenir un logement de fonction par mon travail mais après m’avoir fait miroiter tous les avantages que procuraient à ma fille le fait de vivre dans une grande maison, avec un jardin et des grands-parents disponibles qui pouvaient lui éviter cantine, garderie, je me suis inclinée.

J’ose aujourd’hui vous dire que la mutation de Papa a été pour moi une bouffée d’oxygène et que, si l’entreprise où je travaillais n’avait pas délocalisé avec ce que cela a entraîné, jamais je n’aurais donné suite à votre proposition de vous retrouver dans le Midi.

Je me suis dit que vraiment je n’avais pas de chance. Sans la mort de Vincent, puis cette perte de travail j’aurais pu construire une vie qui me plaisait. Qu’avais-je donc bien pu faire pour que tout me ramène systématiquement dans votre giron. Maintenant je sais !

J’ai donc accepté de venir habiter dans cette maison que vous avez acheté pour moi !

Cela me donnerait le temps de me retourner me seriniez vous et Marie retrouverait la sécurité à laquelle elle avait droit !

Le jour où j’ai débarqué à Montesquieu je savais que pour moi l’enfer commençait. Je le craignais mais le seul moyen de pouvoir mettre enfin les cartes sur table était à coup sûr de tenter l’expérience.

Oui je suis parfaitement consciente du travail abattu par vous dans cette maison, que de fois me l’avez-vous répété ! Les visites de mes amis, chaque petit contre-temps, mes moindres manquements à ce que vous attendiez, tout était prétexte pour me rappeler ce que je vous devais !

Très vite j’ai eu de plus en plus de mal à décider de ce que je voulais pour ma fille. J’ai senti que Marie allait m’échapper, vu son jeune âge elle restait une proie séduisante. Cela a été l’élément déclencheur et lorsque j’ai réalisé que petit à petit vous ne perdiez pas une occasion pour faire ressurgir le spectre de la dépression, allusions constantes, je me suis dit que vous ne me ramasseriez pas une nouvelle fois à la petite cuillère, selon ta propre expression, Papa !

Une amie et voisine m’a conseillée de me joindre à un groupe de paroles dans le cadre d’une thérapie comportementaliste, cela a été pour moi une seconde naissance et j’ai compris que pour m’affranchir de votre tutelle je ne pouvais pas compter sur la chance.

Enfin plus exactement j’ai compris que la chance me sourirait le jour où je serais capable de me montrer déterminée à prendre ma vie en main sans déléguer mes pouvoirs à qui que ce soit ou sans m’en remettre au hasard.

Vous avez dû le ressentir car vous me sentiez devenir rebelle parfois, disiez-vous ! J’ai alors cherché ce qui pourrait détourner Marie de vous et quand l’opportunité s’est présentée de l’inscrire dans un club équestre, j’ai sauté sur l’occasion et accepté la proposition de la maman d’élève d’y accompagner Marie en même temps que sa fille, les deux gamines ne se quittant plus. Mes finances commençant à se redresser je pouvais lui offrir ce luxe. Marie s’est mise à ne plus vivre que pour ces chers poneys, des animaux que vous n’affectionnez pas, ce que je savais !

C’est à partir de ce jour que j’ai commencé à moins vous confier Marie et que de mon côté j’ai décidé de me construire une vie qui me correspond et qui ne pouvait se vivre ici dans votre Midi. Par mon travail j’ai épluché toutes les opportunités qui s’offraient à moi, même dans un domaine de compétence qui n’était pas forcément le mien mais me parlait. Voilà la raison de cette formation que j’ai entreprise, chose incompréhensible pour vous.

Pendant 9 mois j’ai travaillé d’arrache-pied découvrant le bonheur de voir que je pouvais encore conceptualiser, synthétiser. De son côté Marie s’épanouissait et par le biais du cheval s’affranchissait de mieux en mieux de la tutelle des adultes.

Je sais que vous vous êtes interrogés sur les raisons qui nous ont poussées à partir seules toutes les deux pour effectuer la traversée des Pyrénées avec des ânes et en suivant grosso modo le tracé du GR 10. Vous y voyiez là l’emprise d’un homme, Marie m’a racontée les interrogatoires auxquels vous la soumettiez parfois. Sachez que, si je n’abandonne pas l’idée de rencontrer un jour un compagnon avec qui faire un bout de route, je sais aujourd’hui qu’il appartient à chacun de nous de construire sa vie uniquement en fonction de choix qui nous sont intérieurs.

Voilà, ayant trouvé un travail en lien direct avec la formation suivie, Marie étant d’accord pour vivre cette expérience avec moi, comme j’avais encore peur de faiblir au dernier moment, j’ai mis à profit vos dernières vacances pour déménager et enfin vivre MA vie.

Je vous remercie de ce que vous m’avez offert, même pour ce qui m’a été le plus dur puisque sans cela jamais je n’aurais jamais eu la chance de voler de mes propres ailes.

La leçon sera également profitable à Marie qui chérit l’idée d’intégrer un cursus sport études pour s’adonner à sa passion pour l’équitation.

Quant à moi j’ai décidé de reprendre ma vie au début et comme la passion de la musique ne m’a pas quittée, je me suis trouvée un professeur de piano. Je te remercie Papa de m’avoir fait découvrir les « grands musiciens » comme tu dis, tout en me refusant les cours de piano dont je rêvais, ce refus m’a permis de m’accrocher à un rêve. Aujourd’hui pouvoir jouer une mélodie au piano est un bonheur indescriptible même si je ne serai jamais Rubinstein.

J’imagine qu’il coulera pas mal d’eau sous les ponts avant que vous veniez nous rendre visite, je vous donne quand même notre adresse. Il n’y a que la chaîne des Pyrénées à traverser !

Prenez soin de vous et ne doutez pas de mon affection.

Véronique

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