Lorsque nous quittons Potes en ce cinquième jour de voyage le plafond est bas mais le ciel retient ses gouttes. Nous arrivons à découvrir l’église Santa Maria de Lebeňa au sec.
Entourée de vergers l’architecture est à coup sûr très belle mêlant arts mozarabe et wisigothique et si l’on veut bien croire que les chapiteaux, les motifs solaires de l’autel et enfin la statue d’une vierge allaitante valent la visite, nous devrons nous contenter de les imaginer. Pourtant à notre arrivée nous aurions pu croire que la chance allait nous sourire, une équipe de journalistes était déjà sur site, d’autres touristes patientaient et le préposé à la visite venait d’arriver armé d’une clé XXL. Seulement même à deux, trois minutes près, avant l’heure ce n’est pas l’heure et comme il n’avait pas l’air très avenant ni pressé d’ouvrir, le groupe de journalistes semblait l’indisposer, nous sommes parties, le MUJA nous attendait
Kesako ? Juste le Musée du jurassique des Asturies !
Installé sur la côte atlantique au lieu dit Rasa de San Telmo le MUJA abrite dans un bâtiment en forme d’empreinte de tridactyle une exposition permanente dédiée aux dinosaures qui peuplèrent il y a 150 millions d’années la côte de Gijón à Ribadesella et dont un œil averti peut découvrir les empreintes sur le littoral !
De leur apparition à leur disparition le musée fourmillent de détails pointus, certes, mais présentés de telle manière que jamais on ne s’ennuie.
Le ton est donné dès l’arrivée quand après avoir laissé son véhicule apparaît dépassant la crête des eucalyptus la tête d’un sauropode, l’un des plus grands représentants de cette famille. Non loin un tyrex joue les terreurs à deux pas d’un tricératops !
Le visiteur va remonter le temps des premiers organismes qui peuplèrent la terre jusqu’à leur disparition. Chaque espace est conçu pour faire la lumière sur un aspect bien précis de l’évolution des dinosaures.
La visite commence par un rappel, notre Terre est vivante et en constante évolution, d’ailleurs l’Océan Atlantique est en perpétuelle expansion. La cote américaine s’éloigne de nous à raison de 2 cm par an. Bye bye Trump !
C’est peu, me direz-vous, mais pas anodin. C’est la conséquence de la formation constante de la croûte océanique au niveau de la dorsale atlantique mais il y a un hic ! Car du côté pacifique c’est la même chose. Après cela étonnez-vous que cela secoue parfois ?! Il apparaît en tout cas clairement que la terre vivait avant nous, qu’elle a survécu aux extinctions de masse et nous survivra. Alors soit-dit en passant même si nous la malmenons, les grands perdants seront les humains !
Le plus du MUJA à mon sens est d’offrir une lecture de ses contenus à plusieurs niveaux. Des petits aux professionnels de l’enseignement (remarque pouvant surprendre, mais l’enseignante n’est jamais bien loin) chacun peut y trouver son compte. Ainsi si la datation d’un évènement, d’un objet etc. au niveau des temps géologiques vous laisse dubitatif, le MUJA permet de comprendre pourquoi il est possible d’obtenir une datation absolue du plus infime fragment. J’explique !
Dans la nature chaque isotope radioactif d’un élément chimique déterminé se transforme en un isotope stable à une vitesse constante. En comparant la proportion d’isotope radioactif original à un isotope stable n’importe quelle trouvaille archéologique peut être datée. C’est ce que l’on appelle la datation au carbone 14. La vie moyenne du Carbone 14, ou le temps nécessaire pour que la moitié d’un élément soit constitué à parts égales de carbone 14 et de Nitrogène 14, est de 5700 ans
Quand un élément à dater contient 3 fois plus de Nitrogène que de Carbone on peut en déduire que 11400 ans se sont écoulés depuis son origine !
Simplissime, non ?
Pour tout dire comme beaucoup d’entre nous les dinosaures m’intriguent et aujourd’hui je suis assez satisfaite de pouvoir les placer au sein de la chaîne de l’évolution et de pouvoir constater qu’ils n’ont en fait pas vraiment disparu. Le MUJA met très clairement en évidence que sans problème à affronter la vie ne se serait pas déployée sur terre. La maîtrise de la capacité à quitter le milieu aquatique chez les vertébrés est la conséquence de la résolution de multiples problèmes tels que ceux liés à la locomotion, la respiration, la reproduction … les premiers organismes qui ont réussi à vivre sur la terre ferme ont vu leur squelette évoluer et quand ils se sont totalement affranchis du milieu aquatique la vie telle que nous la connaissons est devenue possible ! Ces premiers organismes sont les amniotes en référence au sac amniotique qui protège l’embryon, nos ancêtres en quelques sorte puisqu’il s’agit des premiers représentants dont sont issus tous les vertébrés terrestres !
Les amniotes ont donné naissance à deux lignées principales, les synapsides et les diapsides. Nous sommes issus des premiers quant aux diapsides ils ont évolué en deux branches distinctes, lézards et serpents d’un côté, crocodiles, dinosaures et oiseaux de l’autre, ces deux espèces appartenant à la même branche celle des théropodes ! Voilà pourquoi on peut dire que les dinosaures n’ont pas totalement disparu !
Bon, je ne me perds pas dans les détails mais c’est assez marrant de penser que nos tourterelles et les petits piafs que nous nourrissons sont des représentants très éloignés des dinosaures !
Autre remarque au passage, sans problème pas d’évolution, qu’on se le dise car à trop vouloir aplanir les difficultés, notamment de nos chères têtes blondes, on risque de les abêtir et de leur couper les ailes !
Le MUJA est une expérience sympa à vivre et c’est satisfaites que nous avons poursuivi notre découverte de la côte asturienne qui offre aux curieux de jolis villages aux allures (un peu moins léchés certes) de Cinque Terre. Là aussi les dénivelés sont impressionnants et le nombre de marches à avaler tant en descente qu’en montée est considérable d’autant que afin d’éviter de se retrouver coincé dans des ruelles exiguës nous privilégions les rares parkings aux entrées de villes.
Dans le coin le village de Tazones est de loin le plus joli et le plus pittoresque. Les barques de pêche sont encore remontées sur les quais et si le treuil qui permettait jadis de les sortir de l’eau n’est plus là qu’à titre de souvenir, il est aisé de s’imaginer ce qu’était la vie des pêcheurs.
Charles Quint, encore lui, est passé par là et son souvenir y est toujours commémoré. Difficile d’ordonner la visite, Tazones se déguste au petit bonheur, le nez en l’air mais pas trop car le sol est inégal et un instant d’inattention ne pardonne pas. Les détails fourmillent depuis la casa de las conchas où un émule du facteur cheval a sévi à moindre échelle.
Les balcons colorés habillent les façades et chaque bistrot propose le cidre des Asturies et autre spécialité du coin.
Voilà demain étant un autre jour, c’est près de Gijón que nous avons stoppé le Ptibus, pour la nuit, sous la pluie !
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