Ce vénérable acqueduc de plus de 13 siècles d’existence était encore en fonction au moment de la reconquête (XIIe siècle), il alimentait des installations artisanales, des moulins, des cités. Il a ensuite servi d’abris aux pasteurs, agriculteurs, bétail avant de recevoir maintenant les visiteurs en quête de sensation ! Une prouesse technologique qui laisse pantois lorsque l’on sait que tout au long du trajet qui se faufile dans un relief tourmenté la pente de 3/1000 est constante, que ce sont 50 000m3 de roches qui ont été évacués et que le débit était de 300 litres par seconde !
Il faut préciser que Rome a su en toute circonstance se donner les moyens de ses ambitions. Un corps spécifique de fonctionnaires existait, formé d’ingénieurs, de topographes, de fontainiers mais aussi des agents administratifs chargés de gérer la logistique de la mise en œuvre des chantiers.
Sur le chemin du retour nous avons repéré le tracé de l’aqueduc jusqu’aux environs d’Albarracin grâce aux puits de ventilation qui ponctuent tout le trajet ! Ces puits ont dans un premier temps servi à évacuer les roches au fur et à mesure du percement, ils étaient nécessaires à la bonne marche de l’aqueduc pour assurer une parfaite ventilation et permettre les travaux de surveillance !
Le Gastounet requinqué, nous quittons Albarracin pour le Monasterio de Piedra. Le temps est à l’orage et c’est sous un ciel chargé que nous faisons halte à Daroca. La ville est belle et son passé rejoue celui de presque toutes les villes que nous avons traversées.
Forteresse arabe, églises, ayuntamiento mais par ailleurs et de facture plus rare, la Fuente de « los veinte caňos », un ermitage troglodytique et de nombreuses grottes encore récemment habitées par les civils ... nous avalons les kilomètres et les rencontres.
Une adorable vieille dame nous a conté sa vie et fait découvrir un joli et vieux puits, à la fenêtre du Diable !
Do
La vie est vraiment bien faite. Nous avions prévu de passer deux nuits et une journée complète à Albarracin, village classé « mas bonitos de Espaňa ». Les caprices du « Gastounet » nous aurons permis de profiter des lieux un jour de plus.
Mais je vous sens intrigués… Qui est le Gastounet ? J’explique. Depuis que nous voyageons avec nos amis Claude et Michelle, Claude passe beaucoup de temps à bricoler son camion qui n’est pas de première jeunesse et nous donne parfois des inquiétudes. Cela ne vous rappelle rien, à vous ? Nous, oui : l’inénarrable Gaston Lagaffe qui part en vacances et s’en revient bronzé seulement des jambes car il a passé tout son temps sous sa voiture à maintenir le moteur en état de marche. Ça y est ? Vous vous souvenez ? Bon. Hé bien voilà, le camion de nos amis n’ayant pas de nom (nous, nous avons toujours baptisé nos véhicules, c’est une tradition familiale qui remonte assez loin), nous l’avons appelé « Gastounet ». Hé bien, le jour prévu pour le départ d’Albarracin, la batterie du moteur n’a rien voulu savoir… Alors nous sommes restés un peu plus longtemps… Et sans regret !
La région d’Albarracin est peuplée depuis les temps préhistoriques, comme en témoignent les nombreuses peintures rupestres décorant les abris sous roche des alentours. Bien évidemment, les romains y ont ensuite laissé des traces, mais le nom d’Albarracin remonte à l’occupation arabe qui, comme à Teruel a laissé de nombreux vestiges prestigieux, à commencer par la citadelle et la gigantesque muraille qui court sur la crête des collines. Le village est superbement perché au dessus d’un méandre du rio Guadalaviar et le charme opère au premier coup d’œil.
Nous commençons notre découverte des lieux en nous élançant vers le point le plus haut de la muraille, pour jouir d’un panorama à 360° sur le village et la sierra du même nom.
Dominés par plusieurs tours et clochers, le village présente une belle unité de couleur rouge. Nous nous régalons à découvrir les ruelles étroites bordées de maisons à pans de bois, truffées de détails architecturaux remarquables.
Sur la Plaza Mayor très animée (on est en Espagne !), Claude et Michelle entre dans un bureau de tabac, à la recherche de cartes postales… Surprise ! Il y a bien du tabac et des cartes postales, mais il y a aussi de tout, du slip au soutien gorge, en passant par le chapeau de paille et les coloriages pour enfants. Bref, il y a un peu de tout et de tout un peu ; c’est la Samaritaine !!!
Nous nous faisons d’ailleurs la réflexion qu’il n’y a pas comme chez nous, dans nos villages labellisés « plus beaux villages de France », cette avalanche de boutiques artisanales ou de galeries qui transforme les lieux en supermarché de luxe. Les gens qui sont là y habitent vraiment et les commerces à disposition sont là pour les aider à vivre. Bien sûr, nous avons trouvé deux ou trois boutiques spécialisées dans la vente des produits locaux, jambon, miel, fromages, ciblant davantage une clientèle touristique, mais elles se font discrètes, presque exceptionnelles. Albarracin est vivant.
Bizarrement, nous n’avons rien visité, nous contentant des découvertes extérieures. La cathédrale est payante (peut-être sommes-nous un peu las des collections religieuses ?) et le château, tout comme le musée de la ville, n’ouvre ses portes qu’à 16 heures. C’est bizarre, mais c’est comme ça. Au fond, cela ne nous manque pas trop, et le lendemain, ayant eu l’occasion de monter jusqu’à l’ermitage de la Virgen qui offre une vue plongeante sur l’intérieur du Castillo, la conclusion s’est imposée : nous n’en aurions pas vu plus !
Albarracin est un régal pour les yeux. Outre le village, il faut emprunter le « paseo fluvial », une promenade aménagée sur la berge du Guadalaviar, aux pieds des remparts et des falaises, dans la fraîcheur revigorante de la ripisylve.
On peut y découvrir les restes d’un moulin et plusieurs passerelles franchissent le torrent, permettant d’enchaîner avec d’autres itinéraires balisés à travers la sierra de Albarracin que les caprices du Gastounet nous auront permis de découvrir le lendemain.
Mieux vaut avoir le jarret ferme pour visiter Albarracin. On monte, on descend, on remonte, on redescend, presque sans s’en rendre compte tant il y a de beautés à admirer. Et au final nous aurons quand même marché trois heures et demi, rien que pour une première matinée de découverte !
Mais si le charme du village d’Albarracin attire de nombreux touristes, la région est réputée pour d’autres merveilles : les peintures rupestres de los Pinares de Rodeno.
C’est la forêt de Fontainebleau, à la puissance dix. Un site naturel protégé, gigantesque chaos de grès rouges arborés de pins où sont dissimulées, ici et là, d’émouvants témoignages des temps préhistoriques. Archers, taureaux, chevaux…
On peut admirer ces peintures rupestres protégées par des grilles pour empêcher les dégradations, gratuitement tout au long d’un sentier bien aménagé (il y a même toute une portion accessible aux fauteuils roulants). Ce cadre naturel enchanteur attire aussi de curieux spécimens : des bipèdes volubiles, plutôt jeunes et peu soucieux de leur apparence, se déplaçant volontiers en troupeaux, un matelas à bretelles sur le dos, et parfois un sac à dos sur le ventre. Nous en avions déjà croisé la veille et le matin même dans les rues d’Albarracin. Si vous cherchez, comme nous au début, ne leur demandez pas où sont les peintures rupestres : ils ne savent pas, ils ne sont pas concernés par le problème ; ils ne doivent même pas savoir qu’il y en a dans le coin. Ils ne sont pas mal aimables, pas du tout ; mais ils ne peuvent pas dire. Ils sont là pour escalader, un point, c’est tout. Et le matelas, c’est pour amortir les chutes. Et pour ceux qui ne savent pas, comme nous avant, on appelle ça un « crash-pad ». Merci à Michèle pour le renseignement !
Albarracin est décidément un endroit où il faut passer un bon moment ; je suis sûre qu’une troisième journée n’aurait même pas été de trop. Mais notre périple n’est pas terminé et notre découverte de l’Aragon se poursuit. Dès le lendemain, batterie changée, le tandem Ptibus et Gastounet se lance à l’assaut du bitume, objectif Saragosse et le monasterio de Piedra. A très bientôt!!!
Fredo
Do