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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 20:19

Quelques réflexions philosophiques de mon cru à propos d’un livre passionnant dans cet article assez difficile à classer !

En 1417, Poggio Bracciolini, éminent lettré, finit par découvrir dans un monastère allemand la copie préservé d’un livre rare. Copiste de talent et doué d’un « sixième »sens, il comprend immédiatement la portée de sa découverte.

Ce que je vous dis là et que raconte avec brio Stephen Greenblatt n’est pas de la science fiction, il s’agit d’un fait historique qui a fait rentrer l’Humanité dans sa « Renaissance ».

 

 

 

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En 1417, donc, Poggio Bracciolini dit « Le Pogge », découvre un exemplaire miraculeusement conservé de « De rerum Natura » de Lucrèce. Écrit au Ier siècle avant JC, ce poème dont la traduction du titre latin est : De la Nature des choses, fut dès sa mise en circulation dans le « collimateur » des religieux de tout poil, si j’ose m’exprimer ainsi !

Les thèses développées par Lucrèce n’étaient pas nouvelles, elles n’étaient qu’une reprise dûment argumentée de celles d’Epicure inspiré lui-même par des philosophes grecs du Vème siècle avant JC.

A cette époque, Leucippe et son élève Démocrite émettent l’idée que tout ce qui est, sera, a été est la résultante d’un assemblage d’éléments de taille infinitésimale et en nombre infini. Ils attribuent à ces éléments un nom très actuel : atome. Atome du grec ancien [atomos] signifie : « qui ne peut être divisé » (certes nous savons maintenant que ce n’était pas tout à fait exact). Démocrite précise la pensée de son maître en estimant que ces atomes en se combinant de multiples façons créent une variété infinie de formes : tout ce qui est sur terre mais aussi dans l’Univers. Ce point de vue extrêmement novateur qui mettra des siècles à faire son chemin et à s’imposer, va susciter des remous infinis, les plus violents étant le fait du monde Chrétien.

En Grèce antique, à l’époque de Démocrite, ces propos ébranlèrent certains dans leurs certitudes mais ne suscitèrent pas les réactions violentes que connurent ensuite les philosophes qui reprirent ces idées. Pour les intellectuels grecs, seul l’échange des idées était porteur de sens, le dialogue importait plus que de vouloir convertir l’autre à ses idées. La règle dans les cénacles de lettrés était de ménager une place pour les opinions contraires en se dispensant de commérage ou de calomnie !!!

Une attitude sans doute à remettre au goût du jour !

 

La théorie de Leucippe et Démocrite fit donc son chemin et un émule de talent : Epicure (IVème-IIIème siècle avant JC). Il y apporta quelques précisions comme le fait qu’il n’y a pas de catégorie supérieure aux autres, tout étant issu de la même source, l’atome. Cela l’amena à affirmer que tout fait partie de l’ordre naturel et que selon lui, il n’y avait pas de manifestation divine. Ni Bien, ni Mal, pour Epicure, comprendre cela devant être l’un des plus grands plaisir de l’Homme !

EpicureLa théorie d’Epicure commençant à se répandre, démontrait en termes clairs qu’il existe une explication naturelle derrière tout ce qui nous échappe ou nous inquiète ; avoir ce simple fait en tête devait permettre à l’Homme de ne plus craindre de châtiment divin. Tout étant simple et évident, la vie devait être faite de plaisir.

C’est ce dernier point qui a été retenu par ses détracteurs laissant libre cours à la cabale qui a commencé à circuler à l’encontre des idées épicuriennes.

Pourtant l’épicurisme n’avait rien à voir avec cette interprétation simpliste que nous connaissons. Pour Epicure, la part d’appétit inassouvi fait partie du plaisir. C’est d’ailleurs ce que nombre d’éducateurs et d’enseignants, de philosophes comme Michel Serres, tentent de faire passer en vantant les bienfaits de la frustration : entretenir le désir est source de plaisir ! L’un des élèves et émules d’Epicure, Philodème, écrivait « il est impossible de mener une vie plaisante qui ne soit pas prudente, belle et juste et encore courageuse, maîtresse de soi, magnanime, ouverte à l’amitié, pleine d’humanité ».

La philosophie, parfois décriée d’Epicure, voyagea néanmoins au gré des déplacements des lettrés grecs et romains jusqu’à séduire un jeune romain, Lucrèce.

Nous y voilà !

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Des siècles plus tard, il reprit ces thèses les peaufinant, énonçant clairement que toute « chose » finira par se désintégrer pour libérer les atomes qui les constituaient et redonner naissance à d’autres « choses ». C’est cette théorie que reprit bien des siècles plus tard Lavoisier en énonçant : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! ».

A l’époque de Lucrèce, une théorie donnant à penser que les êtres humains n’avaient aucune raison de se laisser empoisonner par des croyances qui les asservissaient, les empereurs étaient des Dieux !, ne pouvait passer sans grincements de dents.

De Rerum Natura circulait pourtant dans les cercles intellectuels romains. Les idées ont donc franchi les siècles jusqu’à incommoder la chrétienté.

La répression se fit plus dure, l’enjeu devenait tout autre car politique !

Aucun manuscrit du monde antique n’a subsisté, il nous reste quelques copies manuscrites pour les plus anciens spécimens, puis, après Gutenberg, un certain nombre d’ouvrages imprimés ayant échappé au grand nettoyage de l’Inquisition.

A ce propos, je suppose que peu d’entre nous savent que si l’Inquisition a changé de nom au fil des siècles, ce n’est que depuis 1965 que la structure et les méthodes de l’Inquisition ont été abandonnées. En 1908, Pie X l’avait Rebaptisée Congrégation du Saint Office et c’est sous la houlette de Paul VI qu’elle devint Congrégation pour la doctrine de la Foi, ce qu’elle est toujours !

Au IVème siècle de notre ère, sous l’impulsion des empereurs Constantin puis Théodose, le christianisme devient religion officielle de Rome. A Alexandrie, alors que depuis des siècles 3 communautés vivaient en harmonie, chrétiens, juifs et païens, le chef spirituel de la communauté chrétienne s’employa à monter les chrétiens contre le reste de la population. Tous les emblèmes de la culture millénaire grecque et romaine, furent ravagés. C’est à cette époque que se situent les premiers cas de persécutions contre les philosophes qui avaient fait leurs les idées de Lucrèce.

L’obscurantisme était à l’œuvre ; sa première victime fut une femme, Hypathie.

Philosophe, mathématicienne, artiste, astronome, opposée aux actes discriminatoires dont était victime la communauté juive, Hypathie fut la première sorcière (au sens où l’entendait l’Inquisition) qui déchaîna la haine du monde chrétien contre ceux qui refusaient de se plier à ses dictats. Lapidée, brûlée, son tortionnaire, Cyrille, fut canonisé !

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Le martyre d’Hypathie signe la fin de la plus grande bibliothèque du monde antique, celle d’Alexandrie, mais aussi d’un mode de vie. La preuve que la culture, même si elle est inégalement partagée, est un élément clé de la cohésion sociale. Je vous livre ces paroles prononcées au IVème siècle, toujours d’actualité (malheureusement) : « A la place d’un philosophe, c’est un chanteur qu’on fait venir, au lieu d’un orateur, c’est un maître ès arts scéniques ; les bibliothèques, à la manière des sépulcres, sont closes pour toujours… ».

A cette époque, le sort des œuvres des auteurs classiques était scellé ; les invasions barbares, le souci de préserver la foi Chrétienne de toute atteinte mais aussi le poids politique de plus en plus fort des « chefs spirituels de la Chrétienté » ont mis un frein à la liberté de penser.

10 siècles plus tard, ce sont les humanistes florentins qui seront les premiers à réagir contre le poids que l’Eglise romaine faisait peser sur la libre pensée. Les écrits satyriques dénonçant les écarts des prélats, les arrangements pris avec la morale, commencèrent à circuler : « qui a-t-il de plus étranger à la religion que la Curie ? ».

Tous ces écrits annonçaient Luther et son « hérésie » et lorsqu’au XVIème siècle la hiérarchie catholique essaiera de faire obstacle à la Réforme protestante, nombreux étaient ceux qui avaient succombé pour avoir oser défendre des idées qu’ils croyaient juste et directement inspirées de Lucrèce et des « atomistes » grecs.

Car si les manuscrits antiques originaux ont tous disparu, dans le calme des monastères un peu partout en Europe, des moines ont recopié pendant des siècles des textes auxquels ils ne comprenaient (souvent) pas grand-chose, permettant ainsi à des férus de littérature antique de faire revivre les idées des philosophes grecs et romains.

Et c’est là que nous revenons au héros de notre livre, le « Pogge » ! Nous lui devons cette renaissance et ce courant de pensée actuel qui est ni plus ni moins que la synthèse des idées de Leucippe, premier atomiste, et du Christ !

Tout ce qui est dans l’Univers et l’Univers lui-même est issu de la même source mais comme il a bien fallu aux origines de cette source qu’une étincelle divine mette le « feu aux poudres », nous sommes tous un avec Dieu !

Depuis cette redécouverte de l’atome et de ses implications, le monde « moderne » a petit à petit évolué. De grands hommes ont payé de leur vie, comme Giordano Bruno ou Galilée (« Et pourtant elle tourne !!! »)

http://education.francetv.fr/videos/galilee-ou-la-fin-du-geocentrisme-v103607

Le bûcher des vanités de Savonarole, les philosophes assassinés pour hérésie, les actes militants des jésuites qui s’employèrent à museler ceux qui continuaient à croire en la théorie des atomes n’ont pu cependant empêcher les idées de Lucrèce d’atteindre leur but.

Des choses de la nature » a fait partie de la liste des livres interdits par l’Eglise, liste abolie en 1966 !!! mais de brillants esprits ont réussi le tour de force d’instiller dans les idées de Lucrèce un soupçon de « divinité » !

Erasme, Raphaël, l’anglais Thomas More dès le XVIème siècle tentèrent de faire le lien entre la pensée d’Epicure (donc de Lucrèce) et les paroles du Christ.

L-Ecole-d-Athenes.pngDes oeuvres aussi variées que le roman intitulé « L’Utopie » ou la fresque « L’école d’Athènes » au Vatican témoignent de ces démarches et malgré la violence de la répression menée par l’Inquisition pour qui « la seule chose nécessaire au philosophe, pour connaître la vérité … est de s’opposer à ce qui est contraire à la Foi … » rien n’empêcha Newton d’affirmer que concilier atomiste et foi chrétienne était possible.

Do

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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 09:56

RIEN NE S’OPPOSE À LA NUIT

Delphine DE VIGAN

(Ed. J.C. Lattès, Paris, 2011)

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Sur la couverture : Lucile, la mère de l’auteur

 

« Ma mère était bleue,….ma mère était morte depuis plusieurs jours. »

Après la mort de sa mère, l’auteur d’abord hébétée, prend la décision d’écrire sur, autour, à partir d’elle.

Dans la mythologie de chaque famille il y a LE drame inaugural. Dans la famille de l’auteur, la mort du petit Antonin tient cette place. Beaucoup d’autres douleurs suivront.

Hantée par son souvenir (sa mère a mis fin à ses jours en janvier 2008), par la culpabilité, par le sentiment de ne pas avoir compris son appel au secours, par le besoin de comprendre ce qui a pu l’entraîner jusque là, Delphine de Vigan se lance pas à pas avec délicatesse et tendresse dans une psycho-généalogie de sa famille. Une famille où l’apparente gaieté cache l’omniprésence de la mort. Elle découvre des secrets de famille, la force morbide du silence, du déni ; la souffrance des adultes, les phénomènes de répétition d’une génération à l’autre.

C’est, quand la vie bascule, la perte de l’insouciante. Autant le dire tout de suite c’est un livre d’une grande beauté, d’une grande force, il m’a bouleversée.

 

Ce livre a reçu le Prix du roman France Télévisions 2011, le Prix Renaudot des lycéens, le Prix du roman Fnac.

Mi de Paris

 

 

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9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 16:28

Un vrai coup de cœur littéraire

   ballade-lila-k[1]

Si vous n’avez pas encore lu « la ballade de Lila K. » de Blandine Le Callet (ed Stock), procurez-le vous au plus vite !

Voilà un livre qui ne ressemble à aucun autre. Lila, la narratrice nous raconte son histoire d’enfant blessée, arrachée à sa mère pour être élevée dans un centre,  une sorte de pensionnat, où peu à peu, elle va devoir réapprendre à vivre.

Là, nous découvrons un univers étrange. Un monde divisé en deux : « intra muros » d’un côté, où tout est sécurisé, aseptisé, surveillé, et la « Zone », zone de non droit où depuis d’étranges évènements, règne le chaos,  la violence et la misère.

Dès son arrivée au centre, traumatisée, complètement associale,  Lila n’a qu’une idée en tête : retrouver sa mère, découvrir ce qui s’est passé et pourquoi on les a séparées. Et elle comprend très vite que pour arriver à ses fins, il va lui falloir composer et, sinon se soumettre, donner au moins l’illusion de s’assimiler. Il faut être conforme à la norme.  La liberté est à ce prix car celui qui s’oppose est éliminé.

Dans sa quête, Lila va faire plusieurs rencontres qui lui ouvriront la voie de la résistance. Et elle finira par comprendre que contrairement à ce qu’on a pu lui faire croire depuis toujours, le salut est dans la Zone, là où perdure encore un peu d’humanité.

Cette société effrayante et inhumaine présente d’étranges similitudes avec la notre : inégalité, misère, omnipuissance des médias qui nous mentent et nous manipulent, volonté de conformisme en toute chose et surtout à l’école.

Il y a vraiment dans ce livre de quoi s’interroger sur les dérives possibles de notre société. A quel moment la sécurité devient-elle un danger ? Ne sommes-nous pas en train de franchir ce pas ? Là, est la question!

 

Ah oui, j’oubliais : en plus, c’est bien écrit et c’est passionnant.

 Frédo

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23 janvier 2013 3 23 /01 /janvier /2013 18:27

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 Depuis la disparition du président Mitterrand, tout le monde a beaucoup entendu parler de Mazarine Pingeot, brutalement propulsée sur le devant de la scène sans l’avoir souhaité. Les médias s’en sont aussitôt données à cœur-joie, avec le tact que nous leur connaissons bien : François Mitterrand avait une maîtresse  et une fille cachée ! Quelle honte ! Un mensonge d’état, un de plus !

Dans ce livre, « bouche cousue », Mazarine Pingeot raconte son enfance. Dorée ? Matériellement, peut-être ; elle n’a sûrement jamais manqué de rien. Mais est-il si évident de n’avoir aucune légitimité dans la vie de l’homme qui compte le plus pour un enfant, son père ? Cette vie dorée ressemble bien souvent à une prison et nous réalisons rapidement qu’elle a été la première victime de cet énorme mensonge qui a failli la détruire.

On s’interroge… Pourquoi une telle supercherie ? Par respect des convenances ? Parce qu’il est des milieux où l’on ne divorce pas, surtout si l’on est un homme public (ou une femme !)…

Alors que dans l’esprit de la France entière François Mitterrand est marié à Danielle, on découvre que son véritable foyer est celui d’Anne Pingeot, sa maîtresse depuis de longues années. Chaque soir, il la retrouve et mène auprès de sa fille une vraie vie de père de famille modèle. Jusqu’à sa mort. Et il ne passe rue de Bièvres que tous les dimanche soir. Le couple François-Danielle n’est qu’une vaste comédie. Ce n’est pas totalement ce que l’on nous a toujours raconté. C’est auprès d’Anne et de Mazarine qu’il passe une grande partie de ses vacances ; ils ont même acheté ensemble une petite maison à Gordes, dans le Vaucluse…

Au fil des lignes, nous découvrons un homme étonnement humain qui aime passionnément la littérature, les chiens, la nature et… les séries télévisées ! Vous vous en seriez doutés, vous ?

Mazarine grandit flanquée de ses gardes du corps, solitaire et cachée. Elle connaît pourtant de nombreux amis de son père, des hommes politiques comme lui, qui ne savent pas tous qui elle est. Elle ne connaît pas ses demi-frères ; elle ne rencontrera Danielle Mitterrand, qu’un peu avant le décès de son père.

Le style ne plait pas forcément (moi, il ne m'a pas gênée...), mais le contenu de ce livre ne peut laisser indifférent, car il est porté par l’amour. Il n’en manque pas dans cette famille peu banale. Danielle Mitterrand au eu la légitimité, certes, mais il n’est pas certain que ce soit la meilleure part du gâteau !

Fredo

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 16:13

LES ANNÉES

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Annie ERNAUX

(Ed. Gallimard, Paris, 2008)

 

 

   

Annie Ernaux elle-même définit ce livre comme une « autobiographie impersonnelle et collective » et c’est tellement juste.

Ce sont 60 années d’histoire française, sociologique, politique, mêlées à des souvenirs personnels qui se dévoilent dans ce livre ; parfois j’ai même eu le sentiment de lire le récit de ma propre vie (tout en n’étant pas de sa génération - Annie Ernaux est née en 1940 -, comme elle me semble proche !).

Dans une interview, lors de la sortie du livre, elle déclarait : « On ne sait pas qui on est, mais on peut le saisir à travers l'histoire, les époques. Moi, je suis faite de mes époques successives. » 

Le livre a un côté « proustien » (construit en boucle, le temps perdu/le temps retrouvé). Au début de son récit, A. Ernaux nous raconte les déjeuners familiaux du dimanche qu’elle exècre pour, sur la fin du livre, quand elle reçoit ses deux fils et leurs compagnes les dimanches où ils sont libres, trouver ces moments désuets mais délicieux ; elle est passée de l’autre côté.

En moins de 250 pages on mesure l’incroyable bouleversement de notre société, les verrous qui sautent après 1968. Films, publicités, slogans, chansons, évènements petits ou grands ponctuent ce récit pour nous faire revivre ces années si proches, si lointaines, ce sont nos « madeleines », nos délicieuses madeleines.

La vie, le temps s’écoule de l’espoir du Grand Soir aux petits matins blêmes, c’est cela « Les années », une lecture dont on ne sort pas indemne. Vous l’aurez compris, ce livre m’a remuée au plus profond.

Mi

 

 

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24 novembre 2012 6 24 /11 /novembre /2012 16:46

LA HONTE

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Annie ERNAUX

(Ed. Gallimard, Paris, 1997)

 

En 1952, Annie Ernaux a 12 ans. Le livre raconte cette année là, l’année de ses 12 ans, année où elle découvre la honte.

Annie Ernaux a écrit ce livre autobiographique à l’âge de 56 ans.

 

Un dimanche de juin 1952, après une dispute conjugale, son père essaie de tuer sa femme. Ses parents, d’anciens ouvriers tiennent à présent une épicerie-buvette à Yvetot. Leur fille découvre l’humiliation liée à un milieu social peu élevé qu’elle vit comme « une honte ».

Une mère bigote, un père non croyant, sans culture ni éducation avec lequel elle participe à un voyage organisé à Lourdes, tout cela engendre chez elle des sentiments de honte, de dévalorisation.

Comme une thérapie, à l’aide de photos, d’articles de journaux, d’émissions de radio et de toutes ces « petites choses du quotidien » qui forment les souvenirs, liés à cette année, avec une écriture très simple et des mots ordinaires elle décortique cette année et traduit bien ce qu’elle a ressenti.

"J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. Mais quelle honte pourrait m'apporter l'écriture d'un livre qui soit à la hauteur de ce que j'ai éprouvé à ma douzième année."  dit-elle.

Dans une interview récente à la question « Vous sentez-vous « traître » à votre classe ? » Annie Ernaux, écrivain engagée, marxiste et féministe, répondait : « Je vais pas dire que je me sens traître, mais j’ai tout de suite conscience qu’il y a des mondes ennemis, des classes sociales, qu’il y a de la liberté d’un côté et de l’aliénation de l’autre. Oui, j’ose employer ce terme marxiste, et on va pas me la faire « Mais non, il est très heureux cet homme qui fait des choses de ses mains. »

La honte sociale, elle s’en est vengée en écrivant : écrire ce n’était pas un désir, mais une volonté.

 

C’est un petit livre poignant que nous livre l’auteur et des sentiments  ambigus que chacun peut avoir ressenti un jour ; ce livre m’a beaucoup touchée, c’est une invitation à l’introspection.

 

 Mi

 

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4 novembre 2012 7 04 /11 /novembre /2012 17:31

 

 

LA TRAVERSEE

Philippe Labro

Edition Folio

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C’est un étrange voyage que nous conte Philippe Labro, dans son livre, « la traversée »…  En 1994, terrassé par une bactérie inconnue qui s’est attaquée à son système respiratoire, l’auteur s’est retrouvé durant une dizaine de jours entre la vie et la mort, au service de réanimation de l’hôpital Cochin. Récit autobiographique, l’auteur nous livre son expérience de la mort qu’il a approchée à plusieurs reprises. Pour lui, désormais, c’est clair : il y a bien un au-delà :« Ne recherchez pas l’explication de votre rencontre avec la mort dans le simple énoncé des produits, médicaments, hypnotiques ou morphiniques. Ce serait trop facile, trop « raisonnables » ». 

Comme dans les autres témoignages d’expérience de mort imminente, il y a dans le livre de Philippe Labro, la rencontre avec ses proches décédés, la sortie du corps et la traversée du tunnel de Lumière, dans cet immense ressenti de paix et d’amour. Mais il y a aussi ces monstres grimaçants qui semblent venus du Bas Astral pour le tourmenter, car ce n’est pas une, mais plusieurs EMI qui vont ponctuer son voyage immobile. Et tout au long du combat, ce dialogue permanent entre ses deux « lui-même », cette voix qui l’invite à renoncer, à rendre les armes et à se laisser couler, tandis que l’autre voix l’encourage à tenir bon, à s’accrocher au monde des vivants.

Plus étrange encore : ces deux infirmières de nuit, l’une coréenne, l’autre biterroise, qui l’inquiètent par leur manque d’empathie, le peu de cas qu’elles font de lui, et dont il découvrira plus tard qu’elles n’existent pas. Qui sont-elles ? D’où venaient-elles ?...

Ayant surmonté tout cela, c’est une seconde naissance qui s’offre à lui, mais son regard sur la vie a changé. Il sait désormais ce qui est vraiment important… 

Fredo 

 

 

 

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13 octobre 2012 6 13 /10 /octobre /2012 16:22

LA VÉRITÉ SUR L’AFFAIRE HARRY QUEBERT

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Joël DICKER

 

(Ed. de Fallois/L’âge d’homme, Paris, 2012)

 

 

Après un premier roman devenu un best seller, Marcus Goldman est devenu la coqueluche du « tout New York ». Mais un an plus tard, Marcus est atteint de la maladie de l’écrivain : la maladie de la page blanche.

Alors il part quelques jours à Aurora, New Hampshire chez Harry Quebert son mentor, son ancien professeur de littérature ; là, une histoire vieille de plus de 30 ans vient bouleverser le cours de sa vie.

Nous sommes en juillet 2008 (l’année de l’élection d’Obama), l’Amérique a changé et se retourne vers son passé.

Le cadavre de Nola, une jeune fille de 15 ans, dont la mystérieuse disparition à l’été 1975 n’a jamais été résolue est découvert dans le jardin d’Harry ; et on apprend que Harry Québert, 34 ans à l’époque a eu une liaison avec elle. Son vieil ami est accusé et Marcus décide de reprendre l’enquête de son côté.

Le roman n’est pas seulement un polar, c’est une peinture de l’Amérique profonde, un questionnement sur la justice, l’écriture et bien d’autres choses. Bon, on pourra regretter certains dialogues « fleur bleue » entre Harry et Nola que l’auteur aurait pu nous éviter et qui sont, à mon avis, assez ridicules mais de rebondissement en rebondissement, c’est véritablement un grand plaisir de lire ce pavé de plus de 600 pages dont une peinture de Edward Hopper illustre la couverture.

Qui a tué Nola ? Qui était-elle vraiment ? Qu’est-ce qu’être un écrivain ? Marcus se pose toutes ces questions et bien d’autre encore et nous aussi.

 

*Joël Dicker est un jeune écrivain suisse qui signe ici son second roman, un coup de maitre car, la lecture une fois commencée, on ne décroche pas.

Mi 

 

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 17:15

Le passeur de lumière

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Gérard Bavoux

Voilà un livre que je qualifierais « d’initiés »… Non pas que je me considère comme tel, mais parce qu’il m’aura fallu trois lectures pour prendre toute la mesure du récit. Et encore que… Je précise qu’il s’agit d’une histoire vraie, ou plus exactement de faits historiques (ça fait peur !!!).

En l’an 1244, à la veille de la reddition de Montségur, trois hommes parviennent à s’échapper, permettant à l’un d’entre eux de perpétrer une tradition venue du fond des âges… Tous les 666 ans, par delà le temps et l’espace, deux êtres d’exception, serviteurs de l’église de Pedro de Luna (premier pape schismatique ayant résidé en Avignon sous le nom de Benoît Xlll), opposée à l’église de Rome, se rencontrent le jour du solstice d’été, pour se transmettre un message, une Vérité secrète en relation avec les mystères de la Gnose (concept selon lequel le salut de l'âme passe par la connaissance directe de la Divinité et de soi-même)… Tel est le phénomène que le grand inquisiteur Pierre Amiel a découvert et dont il a témoigné dans un écrit, devant rester secret, destiné au pape ayant en charge l’Eglise lorsque la prochaine rencontre de ce type devrait avoir lieu : en 1914.

A la fin du XlX ème siècle, alors que le futur « passeur de Lumière » débute son initiation, deux prélats romains, Raphaël Merry del Val et Mgr Benigni, fondateur de la société secrète de « la Sapinière »,  complotent afin de récupérer ce précieux document et interrompre ce rituel qu’ils jugent dangereux pour les dogmes de l’Eglise. Leurs manigances visant à préserver les pouvoirs du Vatican, à empêcher la propagation dans le monde des idées subversives de la France devenu état laïque (Jean Jaurès), aboutiront par une alliance diabolique avec la sinistre organisation de la Main Noire, au déclenchement de la première guerre mondiale, avec les conséquences que l’on connaît (et d’autres que nous ignorons sans doute !!!)

   Au terme de cette lecture, le décès aussi subi de Jean Paul ler, 33 jours après son élection, ne vous paraîtra peut-être plus vraiment naturel…

Un vrai Thriller !!!                             Fredo

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 19:40

CELINE

Henri Godard

(Ed. Gallimard, Paris, 2011)

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Sur Céline (1894-1961), tout (ou presque) a été dit : antisémite, collaborateur, pornographe, etc… oui tout cela est juste et vrai, mais il était aussi un grand écrivain.

En exergue de ce livre, son biographe cite cette phrase de Malraux : « La biographie d’un artiste, c’est sa biographie d’artiste ».

 

Henri Godard connaît tout de Céline (ses petits bobos et ses grandes blessures), et pose cette énigme : « Comment en était-il venu à se faire une vision si noire des hommes, de la société, de la vie ? »

Selon le biographe deux traits de caractère structureront durablement l'œuvre de l'écrivain : le sentiment de l'humiliation sociale et l'instinct de mort.

Pour Louis-Ferdinand Destouches (il prendra comme pseudonyme d’écrivain « Céline », prénom de sa grand-mère maternelle, Céline Guillou), il y a un avant et un après 1914.

La guerre de 14 et l’expérience atroce du front change radicalement et définitivement sa vie, et sa vision de l’humanité « …cette connerie des hommes je ne m’en remettrai pas » écrit-il. Cette horreur nourrit son « Voyage au bout de la nuit » publié en 1932 (Céline a 38 ans). Ce premier roman, s’il rate de peu le Goncourt (le style est trop en rupture avec le français académique), obtient le Renaudot, mais surtout c’est une bombe dans le monde littéraire. Quel livre !

 

Dans cette biographie, jamais complaisante, on découvre un homme complexe, blessé, un anarchiste (un « anti tout ») comme son héros Bardamu. Ce que l’on ignore (moi en tout cas) c’est que jusqu’en 1933, Céline était plutôt de sensibilité de gauche, mais celle-là même le fait changer « La gauche, qu’est-ce que ça veut dire par les temps qui courent ? RIEN…. Il n’y a personne à gauche voilà la vérité » dit-il, et ajoute H. Godard : « Le corollaire est une vitupération virulente du personnel politique de gauche. » 

Ce qui est en cause à ce stade de l’évolution de Céline c’est la conception de la nature humaine ».

« Le malheur, écrit Céline à son ami – de gauche - Elie Faure, c’est qu’il n’y a pas de « peuple » au sens touchant où vous l’entendez, il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et tout exploité ne demande qu’à devenir exploiteur ».

Vision pessimiste ?

On ne peut hélas pas parler de Céline sans aborder sa face obscure, celle de son antisémitisme qui apparaît et tourne à l’obsession à partir de 1934/35. Rien à voir avec Hitler et le nazisme, Céline développe une grave parano, se pense persécuté par les juifs qu’il voit partout et rend responsables de tous ses échecs. Henri Godard parle même d’un Céline en état « d’ébriété antisémite » (dans « Bagatelles pour un massacre » notamment).

Dès 1944, Céline est un homme traqué ; puis c’est le départ avec Lucette et le chat Bébert, ils échouent en septembre à Sigmaringen lieu de villégiature de  tous ceux qui ont flirté (voire plus) avec l’occupant, puis la prison et l’exil au Danemark. Là Céline perd de son arrogance, c’est un homme affaibli, malade, pathétique mais qui continue à écrire. Il rentre en France en juillet 1951. Il lui reste dix ans à vivre, quatre livres à écrire. Le couple s’installe à Meudon avec Bébert et toute la ménagerie. Céline y vit comme un semi-clochard.

On referme cette belle biographie et on est triste, lui fallait-il une telle folie pour être Céline ? Oui sûrement.

 

*Henri Godard est un universitaire, professeur de littérature à la Sorbonne, et l’éditeur de Céline dans la Bibliothèque de la Pléiade.

 

 

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