ÇA
(« It » Viking Penguin Inc, New-York, 1986)
STEPHEN KING
(Ed. Albin Michel, 1988, traduction française de William Desmond ; 2 tomes)
C’est un roman impressionnant (dans tous les sens du terme) comme seul ce grand auteur américain de littérature fantastique sait nous en offrir. « ÇA » nous tient en haleine sur 1 500 pages. On vibre, on frissonne avec Bill, Mike, Beverly, Richie, Eddie, Ben et Stan, sept ados vivant à Derry, petite ville du Maine. Eux-mêmes se sont baptisés « le club des ratés » et durant l’été 1958, alors qu’ils entrent dans l’adolescence, des évènements dramatiques (disparitions, assassinats d’enfants) se produisent. Ils nomment « Ça » le monstre qui alimente leurs peurs, le responsable de tous ces drames ; jurent de le tuer. « Ça » vit dans les entrailles de la ville et prend pour chacun des formes différentes, le plus souvent celle d’un clown. « Ça » peut avoir d’autres noms et chacun d’eux (de nous) a un « Ça » dans sa tête.
Comme tous les romans de Stephen King, il est difficile de résumer cette œuvre foisonnante de façon rationnelle. Le récit alterne les périodes de l’été 58 et celle où, devenus adultes ils se retrouvent à Derry 27 ans plus tard, comme ils s’en s’ont fait le serment, en cas de danger.
L’écriture, se situe à plusieurs niveaux et mêle habilement classique et fantastique, imaginaire et réalité, l’auteur joue avec nos nerfs et nos propres angoisses – on s’attache et s’identifie à ces sept ados et à leurs peurs (par la voix de l’un d’eux, Stephen King avance une hypothèse : « Ce sont les adultes les véritables monstres ») et aussi dans sa dédicace : « Enfants, la fiction n’est que la vérité que cache le mensonge « Faut redevenir un même, seule façon de ne pas devenir cinglé, faut redevenir un môme » et la vérité cachée dans ce récit est suffisamment simple : la magie existe ».
L’ouvrage est aussi, sur 30 ans, une extraordinaire fresque sociale de l’Amérique.
Le roman qui a remporté de nombreuses récompenses dont le Prix British Fantasy en 1987 est un des livres les plus vendus aux États-Unis en 1986 (il sera durant 14 semaines en tête des ventes).
Stephen King est né en 1947 à Portland dans le Maine, région dans laquelle il vit encore aujourd’hui. Il a écrit quelquefois sous le pseudonyme de Richard Bachman. Auteur de quelques 50 romans, nombreux ont été adaptés au cinéma (« Carrie », « Shining » ou « Dolorès Claiborne » pour n’en citer que quelques uns).
YOn peut avoir un coup de cœur pour un livre ancien, qu’on a raté au moment de sa sortie, des auteurs qu’on n’a jamais osé aborder ou plus simplement pour un livre qu’on découvre tardivement.
KATIBA
Jean-Christophe RUFIN
(Flammarion, Paris, 2010)
Pour ceux qui l’ignorent, « Katiba » désigne un camp de combattants islamistes dans l’Afrique de l’Ouest. Le roman de J.C. Rufin débute par l’assassinat de quatre touristes italiens en Mauritanie, une « bavure » puisqu’ils devaient devenir des otages.
L’héroïne, Jasmine, est une jeune femme moderne et ambigüe, veuve d’un diplomate, elle travaille au Quai d’Orsay. Son chemin croise des médecins, des islamistes, des agents doubles, des cyniques, des tendres, des sans foi ni loi ; qui manipule qui ?
Le roman, véritable thriller géopolitique, nous fait pénétrer en parallèle au cœur des diverses ramifications liées aux renseignements ainsi qu’au sein d’un groupe opérant au Sahara, le mode de recrutement, les réseaux. C’est passionnant et terrifiant à la fois.
Avec ce roman, Jean-Christophe Rufin nous lance sur la piste d’islamistes, de vrais et de faux terroristes. L’écriture est simple, et on ne boude pas ce plaisir simple aussi : se faire manipuler
Jean-Christophe Rufin a plusieurs vies, plusieurs casquettes ; médecin de formation, il est un des membres de Médecins Sans Frontières, président d’Action contre la faim, nommé ambassadeur au Sénégal en 2007, il démissionne en 2010, écrivain : Prix Goncourt du premier roman en 1997 avec « l’Abyssin », Interallié en 1999 pour « Les causes perdues », et Goncourt 2001 pour « Rouge Brésil », il signe son autobiographie « Un léopard sur le garrot » en 2008 ; il est élu à l’Académie Française la même année.
LES BRUMES DU PASSÉ
« La Neblina del ayer » (Tusquets Editores, Barcelone, 2005)
Léonardo PADURA
(Ed. Métailié, 2006 - Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas)
(Et Points Policier, Paris, 2011)
Le roman se présente comme une nouvelle enquête de l’inspecteur Mario Conde, personnage récurrent de l’écrivain cubain Léonardo Padura. Ce livre n’est, en réalité, pas un roman policier au sens strict du terme, mais plutôt une promenade mélancolique et nostalgique dans La Havane d’hier et d’aujourd’hui. Anciens riches, pauvres de toujours, tous affamés, chacun à Cuba se débrouille comme il peut… certains vendent leurs livres pour manger comme d’autres vendent leur corps. C’est ainsi que Mario Conde, ancien flic devenu acheteur/vendeur de livres, découvre une bibliothèque contenant des trésors de la littérature cubaine. Dans un livre, la photo de Violeta del Rio, chanteuse de boléro, symbole des années 50 le lance dans une enquête personnelle et une peinture de la vie à La Havane du temps de Batista.
Si Léonardo Padura est indéniablement critique sur l’état actuel de son pays, il ne se livre jamais à un réquisitoire anti Castro ; il nous fait pénétrer par petites touches dans le quotidien des Havanais aujourd’hui (sans rien cacher des réalités de l’île, mêlant histoires personnelles et Histoire cubaine). A la lecture de ce livre, une seule certitude : Padura aime Cuba d’un amour profond et indestructible, et nous aussi ; c’est une déclaration d’amour à son pays, sa ville, les livres, la culture. L’écriture de Padura est subtile, douce-amère, remplie des odeurs, des couleurs, de la musique de Cuba.
La Havane de Padura est hantée par les brumes du passé, un paradis imparfait mais perdu, un paradis où tout le monde, aujourd’hui, a la faim au ventre et la gueule de bois.
Léonardo Padura est né à La Havane en 1955, il y vit toujours. Diplômé de littérature hispano-américaine, il est romancier, essayiste, journaliste et auteur de scénari pour le cinéma. Il est l’auteur d’une tétralogie intitulée « Les Quatre Saisons ».
« Electre à La Havane » a reçu les Prix Café Gijón en 1997 et Hammett en1998.
« L’automne à Cuba » le Prix Hammett en 1999.
« Passé parfait » Prix des Amériques Insulaires en 2002.
« Les Brumes du passé » Prix Brigada 21 du meilleur roman noir 2006.
MI