L’Hermione est une superbe frégate qui dût une première fois sa célébrité au non moins célêbre Gilbert De La Fayette. Si son soutien aux nordistes américains connut le succès que l’on sait, l’action ne visait en fait qu’à ébranler la suprématie anglaise. La guerre d’Indépendance ne fut qu’un faux prétexte né de ces vieilles rancœurs qui s’exaspéraient entre la France et la perfide Albion. Revenue toute auréolée de victoire en France, elle coula bêtement au large du Croisic le 20 septembre 1793 à cause d’une erreur d’appréciation du pilote embarqué pour négocier la passe !
Si l’épave ne put jamais être renflouée, l’Hermione a retrouvé une seconde vie et son ancre d’une tonne et demi lui fut rendu en 2005 au terme d’une campagne de fouilles.

Un peu plus de 200 ans après sa triste fin, l’idée folle de lui redonner vie a germé dans la tête de passionnés et 17 ans plus tard elle reprenait la mer sur les traces de La Fayette.
65 mètres de long, 3 mâts dont un de plus de 54 mètres, 26 canons, l’Hermione est une frégate de « 12 », référence aux boulets de 12 livres que tiraient ses canons.
Nous l’avions manquée de peu lors de notre précédente venue à Rochefort, cette fois elle nous attendait et sa visite nous a permis de passer un très agréable après-midi en compagnie d’une petite dizaine de visiteurs et d’un charmant guide.

Ayant fait partie de l’équipe de bénévoles qui a travaillé à la reconstruction puis embarqué pour la première traversée, on ne pouvait rêver mieux que ce jeune homme pour nous guider dans cette découverte. Accessoirement il avait un je ne sais quoi de notre violoniste préféré à en rester coites.
La première Hermione fut construite en 6 mois, sa réplique en 17 ans !
Plusieurs raisons justifient cet écart de durée dans la construction. La première tient au contingent de main d’œuvre disponible, 80 personnes en 1997 et plus de 200 en 1778, des bagnards corvéables à merci ! Par ailleurs à cette époque les chantiers navals tournaient à plein, les réserves de bois étaient conséquentes. En 1997 il fallut trouver les arbres adéquats, les couper, les débiter et les faire sécher avant de pouvoir les utiliser. Imaginez que 75 % du bois ainsi coupé ne fut jamais utilisé ?!
L’absence de plan fut un autre défi qu’il fallut relever.
L’Angleterre qui dès le XVIIIe siècle pratiquait l’espionnage industriel sauva la mise. Flûtes, galions, frégates … étant tous construits selon les mêmes plans, celui piraté d’une frégate contemporaine de l’Hermione, d’une minutie exceptionnelle, permit de reconstruire quasiment à l’identique la frégate de La Fayette, les seules différences imposées, l’ayant été, soit-disant, au nom de la sécurité !
Deux moteurs équipent donc la frégate pour, entre autre, suppléer aux bagnards qui hâlaient les bateaux de Rochefort jusqu’à la mer, 3 semaines contre 3 heures aujourd’hui, et faire face à certains imprévus.
Autre dissemblance, les canons ! Leur nombre n’a pas varié mais ils ont dû être bouchés notre législation l’exigeant, dans le cas contraire, la frégate entrait dans la catégorie bâtiment de guerre. De quoi rire quand on sait ce que cela suppose comme manœuvres, temps et précautions que de tirer le canon ! Enfin, la loi, c’est la loi !
Par contre côté couleur, rien n'a été changé, c'était aussi kitsch qu'aujourd'hui.
Construire l’Hermione a demandé de savoir inventer un nouveau mode de construction notamment en raison du temps de séchage du bois. Les bordages ont été boulonnés et non rivetés afin de pouvoir assurer une étanchéité correct du bordé.
Par contre, les moindres détails ont été restitués même les lieux d’aisance situés à la proue du navire, sous le mât de Beaupré sont opérationnels, tout l’équipage s’est fait un plaisir de les tester !

L’Hermione a aussi son chat comme toute embarcation en bois qui se respecte, une chatte très exactement qu’il fallut cependant débarquer à Brest lors de la première traversée. Victime du mal de mer elle a retrouvé depuis ses bonnes vieilles habitudes. Chaque couchette est la sienne, elle est partout chez elle sur la frégate.
L’Hermione en quelques chiffres, c’est 4 hommes pour barrer par forte mer, une heure pour faire demi-tour, des centaines de poulies, cordages, pièces de bois dont il faut connaître les noms, les spécificités, 2200 m2 de voilures.
Le pont de Batterie est sympathique même si l’omniprésence des canons paraît incongrue au néophyte et on s’y verrait sans peine y casser la croûte. Quand au troisième pont accueillant les
couchettes et hamacs, à quai, il est somme toute cosy et doté de douches et lieux d’aisance là où étaient cantonnés avant les animaux embarqués. Une nette amélioration sur le plan olfactif !
Si l’envie vous tente de naviguer sur l’Hermione, vous pouvez postuler pour sa prochaine sortie, en 2018 en Méditerranée. Peu d’exigence si ce n’est de ne pas être sujet au vertige. Il vous sera demandé de faire la preuve que vous pouvez sans problème grimper les 54 mètres de gréements, le plus souvent sans sécurité car affaler les voiles, les rouler en cas de coup de mer ne laisse pas vraiment le temps de jouer du mousqueton ! Sachez également que si le sort vous attribue un hamac comme couchage, en cas de mauvais temps ils ne balancent pas tous dans le même sens ! Gare aux collisions !Voilà, vous êtes prévenus et si cela ne vous sourit guère il reste possible de la visiter à Rochefort ou en 2018 sur les vives de la grande bleue. Il n’est pas impossible en ce qui nous concerne que nous fassions un saut jusqu’à Barcelone, nous y retrouverons peut-être notre charmant jeune homme ?!
Do