C’est au moment où elles amorçaient le virage serré qui relie le camping de Châtel Saint-Denis à la route de Vevey qu’avait surgi devant elles une silhouette toute de noir vêtue. Le passage, trop exigu, les obligeant à stopper net, elles n’avaient même pas eu un geste de surprise en la voyant s’accrocher à la portière, côté passager et pénétrer dans la cabine.
Est-ce son « Vite, vite » qui les avait fait redémarrer ou le fait qu’elles venaient de la reconnaître ? Toujours est-il que sans plus réfléchir, Anne avait relancé le moteur pour gagner la route pendant que Sophie qui n’était pas encore assise, - il n’est pas inutile de s’assurer une dernière fois de la fermeture des placards -, attrapait l’inconnue et d’autorité la propulsait vers le fond du camping-car. La cabine de toilettes soigneusement refermée, en un temps record, elle trônait à l’avant !
Le tout n’avait duré guère plus d’une dizaine de secondes, des secondes qui risquaient de compter dans leur vie. Elles venaient de réaliser ce qui venait de se passer.
Hier, alors que navrées elles regardaient le déluge s’abattre sur le camping, l’arrivée de 2 gros 4/4, appartenant au corps diplomatique, les avait subitement arrachées à notre inquiétude.
Deux hommes, typés africain en étaient sortis pour s’affairer au montage de tentes de camping. Surprises, Anne et Sophie les avaient regardés opérer assez maladroitement. Ils n’étaient guère coutumiers du fait, c’était une évidence. Plutôt intriguées, elles avaient à peine relâché leur vigilance que des cris les avaient de nouveau scotchées à la vitre, des gamins venaient de gicler de l’un des véhicules. Gambadant sous la pluie, ils faisaient littéralement tourner en bourrique une jeune femme en noir qui mit un certain temps pour leur faire réintégrer le véhicule. Le campement dressé, deux femmes, super pomponnées, avaient quitté l’une des voitures pour, en compagnie de leurs époux et des gamins, rallier le restaurant du camping.
La jeune femme en noir ne semblait pas conviée à la fête !
Le lendemain, la pluie avait enfin cessé et sous le soleil revenu elles avaient gagné à tour de rôle les sanitaires où régnait une animation d’enfer. Les mêmes gamins que la veille y menaient grand train. Anne qui venait de sortir de la douche, bouillait littéralement de rage. Cris stridents, coups de pieds dans les portes, éclats de rire hystériques, un vrai capharnaüm régnait. Prise d’un élan de sympathie pour la malheureuse jeune femme qui s’escrimait en vain à calmer les gamins, elle avait craqué. Sans un mot, mâchoires serrées et œil de glace, elle avait attrapé le premier qui était passé à sa portée et d’une poigne de fer, l’avait immobilisé devant elle. Sans chercher à savoir s’il comprenait le français, elle l’avait tancé vertement avant de le remettre à sa « nurse ». Ensuite, bras croisés elle avait toisé les mouflets de toute sa hauteur, leur intimant de se tenir tranquilles !!! 38 années d’enseignement, ça vous marque sa bonne femme !
La jeune femme l’avait regardé avec gratitude mais Anne était certaine que, dès son départ, la sarabande reprendrait. Sophie, mise au parfum, avait confié la fin de la préparation du petit déjeuner à sa sœur pour rallier les sanitaires sans plus tarder. Le calme avait de nouveau déserté les lieux et à son tour, elle avait dû intervenir après avoir reçu une chaussure lancée à la volée.
Elles se doutaient bien que leurs interventions ne changeraient pas la donne, les adultes ne faisant aucun cas de la jeune femme, il était inutile de s’attendre à un quelconque respect de la part des enfants. Lorsqu’elles avaient vu la veille, parents et enfants gagner seuls le restaurant, elles étaient déjà sans illusion.
Pendant la soirée, elles avaient imaginé ce que pouvait être le statut de cette femme manifestement d’origine arabe. A coup sûr, il ne fallait pas être médium pour deviner que sa situation n’était pas confortable. Ce qui est certain c’est que bien qu’ayant une imagination débordante, elles n’avaient pas une seconde envisagé la situation telle qu’elles la vivaient maintenant.
Il leur fallait faire vite, les idées s’organisaient à vitesse grand V dans leur tête. Étaient-elles suivies ?
Cette femme avait-elle des papiers ?
D’où était-elle et comprenait-elle le français ?
Sophie se leva subitement et cahin-caha gagna le fond du camion après avoir attrapé dans la penderie une liquette et un de ses caleçons de sport. Par gestes elle entreprit de faire comprendre à la femme qu’elle devait se changer. Une tenue passe-partout était plus que souhaitable. Elle installa ensuite dans le bac de douche le matelas du chien et y poussa leur invité surprise.
« Do you speak English ?” S’inquiéta Sophie.
Et oui, elle le parlait et son accent était même fort compréhensible, c’était toujours cela !
« Don’t move, don’t move !!! » Et Sophie fila à l’avant où elles se mirent à élaborer un plan d’attaque. A coup sûr les diplomates avaient dû réaliser ce qui s’était passé et ils allaient peut-être faire le lien avec le départ de leur camping-car. Elles allaient s’arrêter au village et sortir faire quelques courses, l’air de rien, par contre il était impératif que le camion paraisse le plus inoffensif possible.
Sophie, après avoir vérifié que personne ne les suivait, retourna vers le fond.
« What’s your name ? ».
Hamel, espoir ! Etait-ce de bon augure ?
Les présentations faites, elle entreprit de lui donner leurs instructions, en rajouta une couche. Ceux qu’elle fuyait étaient peut-être à sa recherche, le camion serait l’objet de toutes leurs attentions. Elle ne devait quitter la douche sous aucun prétexte, ne pas bouger, même un orteil, rien ne devant attirer l’attention.
Sitôt garées, elles affectèrent un grand détachement et gagnèrent une boulangerie. Sophie rentra seule, le chien servant d’alibi à Anne chargée de surveiller les alentours. A la Superette, elles inversèrent les rôles. Anne s’engouffra dans le magasin et se mit à pianoter sur son portable. Elles allaient tenter de contacter leur copine Hellen. Anglaise de naissance, mariée à un français, Hellen vivait en Suisse où elle occupait un poste de fonctionnaire internationale.
Par un coup de chance incroyable, elle décrocha dès la première sonnerie. Anne lui expliqua rapidement la situation, ce qu’elles attendaient d’elle et ressortit du magasin rassurée mais ulcérée par les prix pratiqués. L’équivalent de 6€ pour un kilo d’abricots. Elle s’était vengée sur le chocolat. Au moins il était délicieux et les prix plus que raisonnables.
Elle expliquait à Sophie le plan mis au point avec Hellen en regagnant le camion lorsqu’elles repérèrent l’un des 4/4. Jambes flageolantes mais déterminées, elles se dirigèrent sans hésiter vers leur véhicule. Anne s’engouffra à l’intérieur maintenant la porte de l’habitacle. Il fallait à tout prix que le camion reste ouvert un petit moment le temps à leurs poursuivants de vérifier qu’elles n’abritaient personne. Sophie, mine de rien, multipliait les « chut, they are here ! » à l’intention d’Hamel pendant que Anne donnait un petit coup de balai en surveillant dans le rétroviseur. Elles bouclèrent l’habitat et filèrent dans la cellule, conscientes qu’elles n’avaient plus droit à l’erreur.
A Vevey, elles préférèrent la route de la corniche plutôt que l’autoroute, l’œil rivé sur le rétro. Régulièrement Sophie filait au fond du camion. Dûment chapitrée Hamel avait été mise au courant des opérations. Elle allait être « relookée ». Anne fournissait le blouson polaire et une paire de tennis, Sophie son sac à dos. Pourvu d’un léger viatique et d’un nécessaire de « survie », Hamel allait être débarquée dans le village de Saint-Saphorin, pas très loin de Lausanne. Elle y serait réceptionnée par Hellen. Anne avait suggéré de la laisser dans un café mais fort justement Hellen avait objecté que c’était un lieu trop public. Elle allait les rappeler, le temps pour elle de trouver la solution.
Elles roulaient donc dans un décor d’opérette sans arriver à le goûter. Alors qu’elle n’attendait que cela, la sonnerie du portable les fit sursauter. Hellen avait trouvé la solution idéale : un cabinet médical !
Compatriote expatrié comme elle, Steven Knight exerçait comme ostéopathe. Militant dans une association de défense du droit de l’Homme, le cas d’Hamel ne pouvait le laisser indifférent. Il acceptait donc de la réceptionner en attendant la venue d’Hellen. Cette solution présentait l’avantage de ne pas les amener à modifier leur programme. Si par malchance elles étaient retrouvées par les diplomates, ils auraient toute latitude de vérifier qu’elles n’abritaient personne. Par contre Steven Knight demeurait à Cully, ce qui était nettement plus loin et augmentait les risques d’être interceptées en cours de route. Une chose était sûre, ce n’était pas un jour à faire du tourisme. Leur « Tibus » filait gaillard, avalant les côtes. Coup de chance, le village choisi était équipé d’un grand parking donnant sur le port et pour une fois les camping-cars y étaient autorisés. Cerise sur le gâteau, une superbe place les attendait près des sanitaires. Ombragé de platanes, le parking était en contrebas de la route et le feuillage offrait un écran de verdure empêchant tout repérage éventuel. Pendant que Anne manœuvrait, Sophie fila au fond libérer Hamel. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle avait montré à cette dernière l’entrée des WC, lui enjoignant de s’y réfugier. Puis tranquillement elles bouclèrent l’habitat et, après un petit tour bidon aux toilettes, récupérèrent leur protégée qu’elles allaient piloter à distance jusqu’au point de rendez-vous, au cas où elles seraient suivies.
Le médecin les attendrait au pied d’un vénérable chêne qui faisait la renommée de la ville.
« Left »
« Strait ahead »
« Right » …
Elles se félicitaient d’avoir sous la main les cartes que leur voisine et amie, ancienne résidente du canton de Vaud, leur avait prêté.
En vue de l’arbre elles repérèrent un homme apparemment plongé dans la lecture du journal, le signe de reconnaissance choisi par Hellen. Elles abandonnèrent leur passagère sur un ordre bref « You seat there and wait a moment » et continuèrent dans la foulée pour aller s’affaler à la terrasse de café la plus proche.
Ensuite tout se déroula comme sur des roulettes, le couple se leva, la jeune femme la première et elles les virent disparaître dans une petite rue en grimpette. Elles pouvaient filer sur Rolle où elles avaient réservé une place de camping. Elles auraient tout le temps de contacter Hellen et d’envisager la suite des opérations.
En arrivant près du camping-car, elles eurent un coup au cœur, les deux 4/4 étaient entrain de s’engager sur le parking. S’appliquant à ne pas les regarder, elles investirent leur palace à roulettes et se décidèrent à déjeuner sur place. Ce n’était pas dans leurs intentions mais partir maintenant aurait pu être pris pour une fuite. Placidement elles ouvrirent largement la baie côté table, tout en laissant la porte ouverte. Un point très précis les chagrinait, elles avaient oublié de faire disparaître la djellaba et les ballerines d’Hamel. Sophie avisant un sac plastique gagna en vitesse la salle d’eau y fourra le « corps du crime » et jouant les hommes serpent se tortilla pour ouvrir la trappe intérieure qui donnait sur la soute afin d’y loger le sac. L’appétit coupé, elles prirent leur temps pour avaler quatre fruits en guise d’entrée, un bon bout de Gruyère, suisse bien entendu, et tapèrent sans fausse honte dans leur provision de chocolat. Impossible de se détendre, elles se sentaient épiées et ne savaient que faire. Un petit bar donnant sur le port les accueillit le temps de déguster une glace. Les deux mecs vinrent s’asseoir non loin. Elles auraient pu parier qu’ils allaient engager la conversation, pourtant elles quittèrent les lieux sans qu’ils aient tenté quoi que ce soit. En arrivant au camion, par contre, elles tombèrent sur l’une des femmes entrain d’espionner dans l’habitacle. Essayant d’être le plus naturelle possible, Anne lui demanda si elle voulait visiter, l’autre se confondit en excuse, enfin ce qu’elles interprétèrent comme tel car il leur fut impossible de comprendre quoi que ce soit. Sophie réitéra la question en Anglais, insistant lourdement. La femme risqua un œil et fila sans demander son reste, elles l’imitèrent.
Sophie avait pris le volant et c’était à Anne de contrôler leurs arrières. Elle commença par récupérer le sac de vêtements afin de pouvoir le plus vite possible le larguer dans une poubelle, ensuite pieds écartés et le fessier calé dans l’embrasure de la porte, elle entreprit de nettoyer à fond la douche pour éliminer toute odeur. Voilà bien un des grands avantages de ce mode de déplacement. Ce lessivage allait prendre place dans les souvenirs émérites au même titre que la confection des böreks réalisés un soir de baroud non loin de Berlin, sur une autoroute défoncée à mort. Epuisée, elle revint s’asseoir à côté du pilote non sans avoir ajouter au contenu du sac à jeter le matelas du chien qui avait servi de siège à Hamel. De toute façon, il dormait indifféremment sur les sièges avant, les 2 banquettes du coin dinette mais très rarement là où tout chien bien éduqué est sensé se tenir. Il ne l’était pas et elles s’en fichaient.
Quelques kilomètres plus loin, elles paniquèrent : elles étaient suivies.
Recouvrant ses esprits, avec un raisonnement à la De Funès, Anne essaya de détendre l’atmosphère : « Y’a personne, on est seuls, non ? Même s’ils entrent dans le camion, qu’est-ce qu’ils trouveront ? »
Montrant tour à tour le coin dînette, la couchette et la salle d’eau elle ajouta : « Elle est pas là, elle est pas là non plus, elle est plus là … alors !»
Une petite heure plus tard, le camping-car stationné au bord du Léman, elles barbotaient dans l’eau tiède tout en surveillant les abords. Le fait de savoir le camping plein les avait quelque peu rassurées, seules les réservations étaient honorées, le festival battait son plein à Nyons. Le soir après une petite soirée filets de perche du Léman, un régal pour les papilles que l’on ne peut que recommander à qui ne connaît pas, elles se bouclèrent à double tour pour la nuit : sangles entre les deux portes du poste de conduite et loqueteaux de sûreté à l’arrière. Elles comptaient sur leur fox pour donner l’alerte en cas de rodeurs.
La nuit ayant été calme, Hellen leur ayant détaillé le plan arrêté, elles « petit-déjeunèrent » tranquilles avant de mettre le cap sur le poste de douane de Divonne. En arrivant, elles restèrent médusées en voyant l’aréopage qui occupait les lieux : police, douane et … les deux 4/4 !
Comment avaient-ils su qu’elles passeraient par là ? Les points de passage ne manquaient pas, Genève, Saint Cergue !!
Le plus tranquillement possible elles s’engagèrent sur l’une des deux files et comme elles s’y attendaient un des policiers leur fit signe de maneouvrer et de venir se garer à côté d’un gros fourgon. Le contact était à peine coupé que sans crier gare il ouvrit la porte côté conducteur. Sophie d’ordinaire placide, sentit la rage s’emparer d’elle, attrapant la portière elle lui referma la porte au nez. De son côté Anne venait d’actionner la centrale de verrouillage, après tout, c’était quand même un habitat privé ! Conscientes par ailleurs de la situation Sophie descendit sa vitre.
Perché sur les genoux d’Anne, le Fox grondait. Estomaqué par leur réaction, le policier marqua un temps d’arrêt avant de les inviter à quitter le camping-car avec tous les documents nécessaires, sans oublier le chien, précisa-t’il.
Ne pouvant se soustraire à cet ordre, elles obtempérèrent. Cependant leur bonne volonté fut de courte durée lorsqu’il leur fut demandé de remettre les clés du camion. Qu’on leur explique déjà le motif ! Avaient-elles commis un quelconque délit ? Que leur reprochait-on exactement ?
Elles suivirent un gradé dans un bureau déjà occupé, prirent leur temps pour s’installer ce qui eut l’air d’agacer les propriétaires des 4/4, qui bien évidemment étaient de la fête.
L’interrogatoire commença immédiatement.
Noms, prénoms, lieu de résidence habituelle, motif de leur déplacement, ce qui leur sembla le comble du ridicule vu la nature de leur véhicule, puis on leur présenta une photo.
Au moins il rentrait dans le vif du sujet !
Connaissaient-elles cette femme ?
Elles ne s’étaient pas mise d’accord auparavant mais opinèrent du chef ensemble. Comme bien souvent elles semblaient « télépather ». Oui, elles l’avaient déjà vu et précisèrent les circonstances, ajoutant qu’elles reconnaissaient même les deux types qui se trouvaient là dans le bureau. Un mouvement de tête ponctuant la réponse. Anne embraya immédiatement en ajoutant qu’ils les suivaient depuis la veille et qu’elles n’appréciaient pas vraiment la chose. Sophie prit le relais racontant l’attitude d’une des femmes surprise entrain d’espionner l’intérieur du camion.
Pour en revenir à la photo, elles précisèrent les circonstances qui les avaient mis en présence de la femme en noir, insistant sur l’attitude irrespectueuse et méchante des gamins. Elles utilisèrent l’épisode du restaurant pour illustrer leurs propos.
Un policier consignait leurs réponses, les interrompant de temps à autre le temps de tout retranscrire.
Elles espéraient que l’interrogatoire s’en tiendrait là tout en se préparant mentalement à devoir répondre à la question « qui fâche » : avaient-elles revues cette femme ? Nier était risqué, il faudrait composer. La question arriva sur le tapis, Sophie s’y colla : elles l’avaient prise en stop à la sortie du camping et déposée au village, point !
Elle venait à peine de terminer son récit que l’un des diplomates sortit de son mutisme, assénant qu’il était certain qu’elle cachait la femme dans leur camping-car. La seule réponse qui traversa l’esprit de Anne fut un très enfantin « mais ça va pas la tête ! ». Une perquisition s’imposait.
En peu de temps « Tibus » fut investi par les policiers, Anne et Sophie ouvrirent tous les placards, la salle d’eau, la soute, les coffres, jusqu’à la trappe où se logeait la cassette WC … autant se faire plaisir !
Les policiers menèrent une inspection de routine, les laissèrent tout refermer puis leur demandèrent d’attendre dans un couloir.
Attendre quoi ? Cela discutait dur à côté, apparemment les diplomates attendaient des autorités de plus amples investigations !
La situation s’éternisait à leur goût. Depuis quand était-ce un délit que de prendre un stoppeur !
Finalement elles furent reçues par un autre policier, très galonné, qui leur signifia leur « mise en liberté ». Se levant prestement Sophie lui demanda s’ils avaient envisagé un moyen dissuasif pour que les diplomates les laissent tranquilles.
La réponse, sibylline, ne les satisfit pas vraiment mais que pouvaient-elles exiger ? Les diplomates restaient encore un peu, le temps de consigner par écrit leur récit des faits, signer des documents.
Anne et Sophie en déduisirent que le mieux pour elles était de mettre rapidement la plus grande distance entre le camping-car et les 4/4, d’autant qu’Hellen les attendait.
Elles rattrapèrent la route des Rousses piquant plein Nord. Leur rendez-vous était à Lons-le Saulnier mais elles allaient tenter de faire venir Hellen et leur protégée non loin de Champagnole. Connaissant bien le coin, elles préféraient confier leur sécurité à Dame Nature.
En fin de soirée, bien installées dans un petit camping à l’ancienne, traduisez sans bungalow, elles virent arriver Hellen.
Seule !
Tout de suite elles envisagèrent le pire.
Accueillie par un feu nourri de questions, la joviale Hellen supportait sans broncher, attendant que le calme règne pour conter l’histoire avec son délicieux petit accent british.
Elle commença par une question : avaient-elles demandé à Hamel des renseignements la concernant : âge, nationalité, conditions de vie etc. ?
Non, intuitivement, elles avaient jugé préférable de ne rien savoir. D’un tempérament dramaturge Anne ajouta que de cette manière si elles avaient été « cuisinées », elles n’auraient rien eu à dire !
Hellen leur livra alors son scoop.
Steven Knight avait constaté qu’Hamel, qui portait le pantacourt prêté par Sophie, avait un mollet couvert de bleus. D’un ton neutre, professionnel, il lui avait demandé si elle avait d’autres ecchymoses sur le corps, s’attendant à une certaine résistance. Hamel, qui avait fait le choix de fuir, n’avait nullement l’intention de se taire. En quelques minutes, Steven apprit la tragédie de cette jeune femme, vendue à un couple de diplomates africain par une famille lybienne, émigrée en Mauritanie. La suite était classique : privée de papiers, bonne à tout faire, vraiment tout, elle vivait un enfer depuis presque 5 années. Majeure depuis peu, ne craignant plus d’être rendue à sa famille biologique si elle arrivait à s’enfuir, elle avait vécu sa rencontre avec les deux sœurs comme un signe du destin et tentée le tout pour le tout.
Steven qui militait dans une ONG depuis des années, avait pris les choses en main. Un constat médical avait été dressé, les autorités alertées et le cas d’Hamel était en passe de trouver une issue heureuse.
Quant à elles deux, elles pouvaient rentrer tranquilles, les diplomates en avaient encore pour quelque temps à fréquenter les autorités policières. Certes, ils ne risquaient pas grand-chose vu leur statut, juste des petits tracas qui terniraient leur image auprès de leur ambassade, si toutefois cette dernière ne cautionnait pas éhontément ce type de comportement ! Là, elles avaient comme un doute.
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