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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 19:47

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Elle referme la porte sans faire de bruit, mais elle sait déjà qu’elle n’aurait jamais dû l’ouvrir… cette image vient de s’imposer à Sophie. Un électrochoc qui la cloue sur place tant elle se sent happée par le souvenir d’un passé récent.

 

Si seulement elle avait écouté son intuition, tenté le tout pour le tout afin d’amener son compagnon à renoncer à ses fantasmes.

 

Elle était certaine d’être dans le vrai en s’opposant au projet de rénovation de Pierre mais ses arguments n’avaient pas convaincu.

 

« Timorée, passéiste » Sophie avait entendu de tout.

 

Certes, les nouvelles technologies n’étaient pas sa tasse de thé et sans vivre à l’âge de pierre, elle aimait bien le jeu de mots, elle était du genre méfiant. Son téléphone portable n’avait aucune autre application et il en serait ainsi tant qu’elle trouverait dans le commerce des appareils basiques.

 

Apprivoiser l’informatique lui avait réellement coûté même si elle faisait aujourd’hui figure de pro aux yeux de ses amis et collègues avec son blog !

 

Dans le projet de Pierre, ce qui l’avait retenu de foncer était de savoir pertinemment qu’une fois celui-ci concrétisé, elle ne maîtriserait plus grand chose, or si Sophie était convaincue du bienfondé de savoir déléguer, encore fallait-il qu’elle ait une idée précise de ce qu’elle attendait de l’autre.

 

Malgré la déconfiture actuelle, en repensant à cet instant où elle avait poussé la porte du bureau d’études, un sourire détendit néanmoins ses traits.

 

Elle revoyait le commercial jubiler en lisant le contrat signé par elle et Pierre puis lui faire remarquer, l’air cauteleux, que tout était parfait si ce n’était l’oubli du volet financement. Quelle satisfaction en lui assénant que, non, ce n’était pas un oubli !

 

Elle n’était plus naïve et savait très bien que crédit rime avec prime ! En refusant leur offre de financement, quelques milliers d’euros passaient sous le nez du bonhomme !

 

Si Sophie ne maîtrisait pas la technologie, côté finances, elle était au « Top ». Demeurée inflexible, elle était allée jusqu’à lui asséner que c’était à prendre ou à laisser ! Pas de crédit ou il disait adieu au chantier !!!

 

Le commercial avait opté pour le chantier mais négligé la poignée de mains du départ !

 

 

 

Pierre s’était retrouvé aux commandes d’un habitat à la pointe de l’innovation comme il le souhaitait.

 

Comme un gamin, il avait réalisé son rêve !

 

Leur gite était devenu le lieu branché où de prétendus amis de la Nature accouraient pour se ressourcer, seule Sophie n’arrivait pas à afficher le même engouement.

 

La cuisine ressemblait au poste de pilotage d’un supersonique, même chose pour la chaufferie ! Impressionnée, elle s’était aménagée un coin cuisine amélioré dans une ancienne étable investie partiellement par le local technique de la piscine. Elle avait réalisé seule l’isolation de son antre, installé un poêle en fonte, récupéré son ancienne cuisinière et ne daignait s’approcher de la cuisine que pour le strict nécessaire. De toute façon avec un « mari » cuisinier, elle n’avait pas souvent l’occasion de s’y exprimer.

 

Elle avait marqué son premier point contre Pierre, lorsqu’il avait réalisé que les plans de travail à induction ne toléraient pas les anciens ustensiles, qu’elle avait récupérés. Il avait fallu tout renouveler, ce qui n’était pas une mince affaire lorsque l’on tient table d’Hôtes !

 

Au village la population voyait Pierre comme un extra terrestre. Où était-il allé pêcher de telles idées de grandeur. La rénovation de « la Solana » et son inauguration en grandes pompes avait laissé plus d’un villageois abasourdi !

 

Un spa, des salles de bains avec jacusis, était-ce nécessaire en plus de la piscine ! Que dire de la wifi dans toutes les chambres, des volets roulants motorisés et de la climatisation réversible !

 

Même la chaufferie écolo au bois, pour les parties communes les avait étonnés.

 

-         « Ecolo, écolo et si y’a une panne de courant mon gars, t’y as pensé ? » grommelait le vieux Bartomeu.  

 

-         « C’est que j’ai un groupe électrogène, le père ! » avait répondu le maître des lieux.

 

 

 

La saison estivale avait été glorieuse, les réservations s’étaient succédées sans que jamais une chambre ne reste vide. Aux commandes de sa cuisine Pierre jubilait et se moquait gentiment de Sophie qui rongeait son frein.

 

Faisant preuve de mauvaise volonté, elle avait mis un point d’honneur à réaliser ses confitures et ses conserves sur son ancienne cuisinière et pour bien enfoncer le clou elle était allée jusqu’à refuser de les remiser dans la chambre froide. Coulis de tomates, chutneys et ratatouilles avaient donc été cuisinés puis stérilisés à l’ancienne dans sa cuisine d’été, à 2 pas de la piscine !

 

Elle avait remporté un vif succès auprès des vacanciers, par les odeurs alléchés, impressionnés aussi par la quantité phénoménale de cèpes mis à sécher.

 

Il faut bien avouer que Sophie avait une technique qui lui était très personnelle. Ancienne chineuse, elle avait conservé pour d’hypothétiques vide-greniers des cadres plus ou moins rococos. Lassée de les voir s’entasser inutilement, Sophie les avaient tous équipés d’un grillage au maillage serré. Chaque été ils reprenaient du service, recouverts, au gré des cueillettes de champignons, de fines lamelles odorantes.

 

Elle concédait à Pierre quelques spécimens qu’il congelait pour ses futurs exploits culinaires. Le sot, ce n’était certes pas avec sa méthode de conservation que s’exprimait la délicieuse odeur poivrée de ses bolets !

 

Fort de son succès, Pierre avait émit l’hypothèse d’ouvrir le gîte en hiver. Certes, il n’y avait pas de pistes de skis dans les environs immédiats mais compte tenu de l’altitude, l’enneigement n’était pas négligeable. Il misait sur la possibilité d’attirer les amateurs de raquettes, tout un réseau de randonnées couvrant la région !

 

Sophie s’était retenue de le mettre en garde contre les conséquences de possibles aléas climatiques préférant lui faire remarquer qu’elle aurait plutôt eu envie de douillettes retrouvailles sous la couette ou devant la cheminée.

 

Pierre avait invoqué des impératifs financiers, ajoutant perfidement qu’il ne touchait pas de confortable salaire à date fixe, lui !

 

Sophie s’était alors décidée à s’offrir un petit « brake », aucun chantier ne requérant sa présence. Travaillant essentiellement en extérieur à la restauration de statues monumentales, le début janvier traditionnellement consacré à l’élaboration des plannings, offrait un court répit.

 

Sophie prit donc seule le large pour les cieux plus cléments de la Guadeloupe, non sans avoir secondé Pierre pour la période des fêtes !

 

 

 

Le premier février, cuite au soleil des tropiques et ragaillardie par des retrouvailles familiales, elle débarquait à l’aéroport de Perpignan en pleine tourmente !

 

Si elle s’était préparée à un atterrissage musclé pour cause de « tram » violente, elle n’avait pas imaginé une seconde trouver la neige !

 

Pierre, n’était pas au rendez-vous et dès qu’elle entendit retentir dans le vide la sonnerie de téléphone de La Solana, une désagréable sensation lui comprima le plexus. Immédiatement, Sophie vit le pire, l’accident !

 

Compte-tenu de la quantité de neige en plaine, les routes de montagne devaient ressembler à une patinoire !

 

Une tentative infructueuse pour joindre la mairie du village la calma un tant soit peu. Les lignes devaient être perturbées par les conditions météos !

 

Dans le hall de l’aérogare régnait une franche pagaille, taxis et bus brillant par leur absence. Ne s’imaginant pas une seconde bivouaquer à la Llabanère, Sophie sortit de l’aérogare chercher l’inspiration. Voyant un gros 4/4 s’acheminer vers les barrières du péage, sans plus réfléchir elle suivit la même direction prête à intercepter le véhicule. Le chauffeur, peut être étonné de la soudaine apparition, n’ayant pas eu d’objection à la déposer dans le centre de Perpignan, Sophie se laissa aller contre le dossier tout en priant le ciel pour que la relative accalmie neigeuse perdure encore un peu.

 

L’équipée dura quand même 2 heures et en ville la situation était assez dantesque. Déposée place de Catalogne par son chauffeur improvisé, elle gagna le premier hôtel afin de se débarrasser de ses bagages puis entreprit de rallier son lieu de travail. Elle pourrait au moins récupérer dans son casier quelques vêtements plus en accord avec les conditions météos, sa doudoune étant restée aux bons soins de Pierre !

 

De retour à l’hôtel quelques heures plus tard Sophie avait le sentiment d’habiter sur autre planète que celle quittée début janvier. Sur le boulevard plus rien de circulait, les liaisons téléphoniques avec la montagne étaient toujours interrompues et le courant électrique battait de l’aile. Il faut dire que, cerise sur le gâteau, l’orage tournait en rond au-dessus du Roussillon. Pragmatique, Sophie s’offrit un bon gueuleton et s’écroula de bonne heure, assommée par le matraquage médiatique que servaient en boucle les chaînes d’infos.

 

 

 

Le lendemain matin enchantée par la vision de Perpignan enfouie sous sa couette blanche, elle se mit en demeure de rallier la montagne, via « son bureau ». Sous l’œil estomaqué du gardien qui veillait sur les ateliers, elle balança ses bagages sur la banquette arrière de sa voiture de fonction, un vieux 4/4 idéal pour les chantiers ruraux, et mis cap à l’ouest. Les rues étaient quasiment désertes mais elle s’aperçut que quelques téméraires profitaient de ses traces pour se lancer à l’assaut du bitume enneigé. Vaille que vaille Sophie atteignit la Nationale 116 dont la seule voie déneigée lui permit de rallier Prades à une vitesse d’escargot. Indécise sur la conduite à tenir, elle s’arrêta à la Gendarmerie pour avoir un aperçu réaliste de ce qu’elle risquait de trouver au-delà. Découragée par le constat, elle se résolut à différer son départ et pour avoir séjourné dans les environs le temps d’un chantier de restauration, elle téléphona à la famille Margall qui tenait un gîte à Sirach !

 

Cet intermède s’éternisa et ce n’est que le surlendemain qu’elle arriva en vue de Mont-Louis. Sur quelques kilomètres le 4/4 progressa normalement, lui dopant le moral jusqu’à ce qu’elle tombe sur 2 véhicules encastrés dans les congères qui bordaient la route.

 

A ce stade de l’aventure Sophie ne se voyait pas une seconde renoncer à savoir ce que devenait Pierre à La Solana. Une longue marche-arrière la ramena à l’entrée de Saint Pierre où elle largua le 4/4. Sac au dos et raquettes en bandoulière, elle eut vite fait de se retrouver auprès du groupe d’existés qui s’activaient près des véhicules en détresse.

 

Comment avaient-ils pu envisager de prendre la route sans le moindre équipement ?

 

D’où pouvaient bien venir ces « nordistes » ?

 

Hélée fort peu cavalièrement par l’une des femmes, Sophie s’approcha. Un déluge verbal lui tomba dessus. Chacun y allait de sa demande, les griefs pleuvaient !

 

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase !

 

Après avoir répondu à leurs « He, Ho » par un bonjour exagérément mondain, elle leur asséna qu’à la montagne certaines précautions s’imposaient, à commencer par mettre des chaînes, puis, ravie de leur perplexité, elle les planta là s’éloignant à grandes enjambées. Les petits mots doux fusaient dans son dos lui donnant des ailes.

 

Les derniers 500 mètres furent très éprouvants, elle avait le souffle court et un sentiment d’urgence la prenait aux tripes.

 

Parvenue à destination, le grand silence des lieux ajouta à son angoisse !

 

 

 

Dans la salle, affalé sur l’un des canapés, Pierre la regardait sans la voir.

 

Ne sachant quelle conduite adoptée Sophie choisit de se taire et de laisser venir. Pierre était vivant, La Solana  debout, c’était le principal !

 

Réchauffée par la marche, Sophie ne prit pas conscience immédiatement du froid qui régnait dans la salle. C’est en remontant machinalement la fermeture éclair de sa doudoune qu’elle réalisa que quelque chose n’allait pas, une bonne flambée crépitait pourtant dans la cheminée !

 

La nature du problème lui apparut dans toute sa force lorsqu’elle pénétra dans la cuisine pour préparer un bon café. Le noir total y régnait !

 

La fée électricité avait désertée La Solana.

 

Revenue dans la salle, à défaut de café, Sophie attrapa une bouteille de vieux Rhum et tendit à Pierre un verre rempli d’une sublime couleur ambrée avant de se couler près de lui pour siroter de conserve.

 

Petit à petit Pierre refit surface.

 

Le côté zen de Sophie lui permit de sortir de son mutisme et pour anticiper sur ce qu’elle ne manquerait pas de lui asséner, il commença par lui rendre justice : que n’avait-il tenu compte de ses réticences en matière de technologie !

 

Vint ensuite le récit des jours de galère !

 

Les volets électriques, descendus le premier jour des intempéries, pour conserver la chaleur, n’avaient bien évidemment pas pu être remontés puisqu’aucun constructeur n’en prévoyait plus avec motorisation débrayable. La même cause produisant les mêmes effets, l’abri télescopique de la piscine s’était écroulé sous le poids de la neige. Lorsque Pierre avait réalisé qu’elle n’allait pas cesser de sitôt, il était trop tard. Le courant était coupé et l’abri, entièrement motorisé, n’avait pu être rabattu.

 

Quant au groupe électrogène dont il attendait le salut, il s’était révélé catastrophique. Incompatible avec tout ce qui est informatique, il était en partie responsable de l’ire des parisiens à son endroit. Incapables de s’adapter à une vie spartiate, ils avaient « grillé » un de leurs ordinateurs en faisant fi des mises en garde de leur hôte. Leurs récriminations quant aux prestations qui n’étaient pas celles qu’ils étaient en droit d’attendre avaient alors commencé à pleuvoir, tous comme leurs menaces de ne pas en rester là ! Sophie n’eut même pas à se faire confirmer que les véhicules encastrés dans la neige leur appartenaient !

 

Elle le laissa vider son sac puis partit déambuler dans la maison. A l’étage un froid polaire avait investi les lieux désertés de leurs occupants. La « clim », c’est chouette à condition que cela fonctionne !

 

Effarée, Sophie, qui avait pris sa lampe frontale dans le sac de rando, découvrit que les occupants des chambres avaient laissé derrière eux un chantier innommable. Et compte tenu des propos de Pierre, il était évident que cette attitude était délibérée !

 

Redescendue, Sophie était déterminée à lui rendre le moral coûte que coûte ! Après tout il n’y avait pas mort d’homme ! Pas d’organisme de crédit pour lui mettre le couteau sous la gorge et donc une possibilité de rebondir d’autant plus facile qu’elle était là !

 

Un grand calme investit les lieux au fur et à mesure qu’elle lui exposait son plan. Prendre contact avec l’avocat qui s’occupait du cabinet de restauration pour avoir son avis quant à la portée des menaces à son encontre, établir un devis pour chiffrer le montant des dégâts en espérant que l’état de catastrophe naturelle serait décrété, contacter sa Banque pour faire établir un plan d’investissement en utilisant ses fonds personnels, à elle !

 

Et surtout, redémarrer sur des bases simples. Boycotter ce qui est contre Nature !

 

La ferme allait retrouver ses vieux volets de bois, la piscine resterait sans abri autre que la bâche réglementaire ! Le gîte allait retrouver l’âme qui était la sienne avant qu’elle ne signe ce fichu contrat, ce qui la charmait, tout comme la perspective d’hiver à deux à La Solana l’enchantait !

Do

 

 

 

 

 

 

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