2 janvier 2023
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Cette nouvelle est un message d’espoir que je vous livre.
Parce que certains faits sont pour nous deux une réalité tangible…
Parce que nous avons été confrontées à des situations hors norme et que cette anormalité est devenue la norme…
Parce que la vie a mis sur notre route des personnes qui nous ont fait partager leur vécu et que nous nous sommes reconnues dans leurs histoires…
Parce qu’un jour notre Grand-Oncle, qui s’apprêtait à nous quitter, nous a offert l’Eternité, effaçant notre peur de l’Après…
J’ai voulu écrire cette histoire qui n’est pas une fiction.
Sarah existe, Patrice aussi !
L’invisible sait se rendre visible, nous pouvons en témoigner.
Dominique
Sarah
Je m’appelle Sarah, j’ai 5 ans et j’ai pas de frère ou de sœur, de toute façon j’ai pas de papa, alors !
Je vais à l’école et j’aime ça parce que ma maîtresse, elle est super géniale !
Avec elle c’est chouette, on fait plein de trucs et même qu’elle fait tout comme nous. On danse ensemble, elle fait la peinture avec nous et elle a des idées géniales ! Quand on va à la Bib et qu’on traverse la cour, en restant bien derrière elle, faut pas la doubler, elle fait exprès d’accélérer puis de ralentir, alors on se tamponne, c’est rigolo ! Dans la cour, elle fait même la queue avec nous pour avoir une patinette. Et après on fait la course !
Mais moi ce que je préfère c’est quand elle est assise sur le banc pour nous surveiller. Elle ne le dit pas mais je sais bien qu’elle est contente comme tout quand on vient s’asseoir à côté d’elle. Moi, je viens à tous les coups, alors elle dit « Tiens, voilà ma sécotine chérie ! ». Mais y’a une maîtresse que j’aime pas, c’est celle des moyens. On a pas le droit de l’appeler maîtresse ou par son prénom, il faut dire « madame » ! Quand elle sort dans la cour et qu’elle vient s’asseoir sur le banc, hop, elle nous fait partir !
Je sais bien que ça ne lui plaît pas à ma maîtresse, elle me fait un petit clin d’œil avant de me dire « allez ma louloute, va te dégourdir les gambettes ! ».
A l’école, y’a aussi un maître. Il n’est pas là tout le temps, y vient pour parler avec les bagarreurs mais aujourd’hui la maîtresse a prévenu que Patrice allait parler avec nous, chacun à son tour. Avec mes copines, on sera les premières !
Je l’aime bien Patrice, mais je sais pas ce que je vais lui dire !
P’t être que ça sera comme avec maman et qu’y va trouver que ce que je dis c’est bête !
Maman, quand je suis à la maison, elle me dit toujours de me faire oublier parce qu’elle a du travail par-dessus la tête. C’est pour ça que cette année c’est bien, je mange à la cantine et je vais à la garderie, comme ça j’ai des copains pour parler. Eux y trouvent leurs parents chiants. Fais pas ci, fais pas ça, et hop, une baffe ! Moi, jamais, mais j’sais pourquoi. Ma mère, elle s’en moque de moi. Grand-mère, elle l’avait bien dit un jour que je boudais parce qu’elle m’avait grondé « quand on aime bien les enfants, on les punit ! ». Enfin un truc comme ça. Moi, maman, elle me punit jamais, c’est bien la preuve !
La dernière fois, je l’ai dit à ma maîtresse, elle m’a pas crue, elle m’a dit qu’une maman aimait toujours ses enfants ! C’est pareil, elle m’a regardée avec des yeux tout ronds quand je lui ai dit que ma grand-mère venait me voir tous les soirs. Pourtant, c’est vrai !
Elle vient quand maman a fermé la porte de ma chambre !
Elle dit rien, elle me regarde et elle me sourit. C’est bien mais j’aimais mieux quand elle me lisait une histoire avant de m’endormir. P’t être qu’elle sait pu lire ?
Y’a pas longtemps j’ai demandé à maman si Grand-mère savait encore lire, elle m’a envoyée promener. Elle a crié « mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir une fille pareille ? « , et puis elle a pleuré ! Je voudrais bien lui dire pour Grand-mère quand elle vient le soir, mais elle me croira pas.
Ma Grand-mère, c’était mon grand amour et moi j’étais son p’tit amour, mais elle est morte ! Comme ça, tout d’un coup !
Maintenant je n’la vois que le soir, elle me parle avec le cœur, pas avec sa voix. J’entends rien mais je comprends tout. Elle me dit que je n’dois pas être triste, qu’elle nous protège. Elle vient pour maman aussi mais elle, elle la voit pas !
Le maître est venu comme la maîtresse avait dit. D’abord elle lui a parlé puis on est parti avec lui. Y’avait mes copines, Margaux et Zoé. Il est beau Patrice, il est tout frisé avec une grosse moustache qui chatouille quand il nous fait le bisou.
Il a commencé par nous raconter une histoire de fantômes trop drôle*. Ça se passe dans un château et les fantômes entendent des gros boums. Alors ils descendent dans la cave pour chercher d’où vient le bruit. Le plus rigolo, c’est quand ils mangent. Si c’est de la soupe au potiron, ils deviennent tout orange. Si c’est du gruyère, ils sont plein de trous !
A la fin de l’histoire, on était mortes de rire. Après, Patrice nous a demandé si on croyait aux fantômes ; mes copines, elles ont dit non mais moi j’étais pas d’accord ! Il nous a laissé un petit moment pendant qu’on dessinait ce que nous avons aimé le mieux dans l’histoire mais il est vite revenu pour demander à Zoé de retourner en classe finir un travail. Margaux a raconté son dessin pendant que je finissais le mien et elle partit aussi. Moi c’était long parce que c’est pas facile de dessiner un fantôme qui sort d’une malle !
Patrice m’a dit de pas m’presser et on a parlé. C’est drôle mais quand je lui ai raconté que j’aimerais bien que Grand-mère soit aussi drôle que la Tata Gligli de l’histoire, il a pas eu l’air de trouver ça bête ! Y m’a posé des questions sur elle, y m’a même dit que je pouvais lui dire de partir pour aller où elle devait aller. Mais je peux pas lui dire ça à Grand-mère, elle peut pas partir encore !
J’ai bien compris qu’elle attendait que maman ait compris qu’elle était toujours là même si on la voit pas !
Patrice a été drôlement chouette, y m’a parlé anglais, y m’a dit « no problem, Darling » ! Ce mot là, je le connaissais pas, c’est lui qui m’a expliqué. En me raccompagnant en classe il m’a demandé si je voulais qu’il parle à maman. Ben oui, ça je veux bien !
Le maître a donné rendez-vous à maman pendant que j’étais à la garderie et j’avais un peu la trouille quand maman est venue me rechercher. Grand-mère m’a dit que je devais avoir confiance mais qu’est-ce qui va se passer si elle ne croit pas Patrice !
Quand on a quitté l’école et que maman m’a demandé si je voulais aller manger au restau, j’ai tout de suite compris que Grand-mère avait raison !
Il est quand même vachement fort le maître !
Dans la voiture, quand j’attachais la ceinture de sécurité, maman s’est retournée et elle m’a dit un truc dingue. « Alors, comme ça, il paraît que je suis la maman d’une petite fille formidable ? ». Moi, j’ai rien répondu, je savais pas quoi dire !
Quand on est arrivées dans le restaurant, on s’est installées l’une en face de l’autre, comme si on était deux grandes personnes, on a choisi dans le menu et pendant qu’on attendait, maman m’a demandé si je voulais bien lui parler de Grand-mère. Alors je lui ai tout dit ! A la fin, maman s’est mise à pleurer. Le serveur est venu lui demander si ça allait mais elle lui a dit que c’était des larmes de bonheur ! A moi, elle m’a demandé si je voulais bien que ce soir elle vienne dans ma chambre pour voir Grand-mère.
Dans la voiture, en revenant, j’ai demandé à maman ce que Patrice lui avait dit. Elle m’a répondu que j’étais un peu petite pour tout comprendre et qu’elle pouvait juste me dire que lui aussi un jour, il avait vu quelqu’un qui était mort. C’était son papa et cela l’avait beaucoup aidé quand lui, Patrice, était malade.
Du coup, j’ai demandé à maman où il était le mien, de papa. Elle m’a dit qu’il était parti avant ma naissance et qu’elle ne savait plus rien de lui mais qu’elle me monterait des photos. En tout cas, c’est sûr qu’il est vivant parce que je ne l’ai jamais vu comme Grand-mère !
Quand j’ai répondu ça, maman a donné un grand coup de frein avant de se garer, puis elle m’a demandé si je voyais souvent des fantômes. Elle a eu du mal à faire redémarrer la voiture quand je lui ai dit que oui.
Le soir, elle est venue avec moi pour attendre Grand-mère. J’avais peur qu’elle ne vienne pas, mais non ! Maman n’a rien vu, elle a juste senti un frottement sur son bras quand Grand-mère s’est approchée d’elle pour la caresser.
Tout ce que Grand-mère m’a dit avec le cœur je l’ai répété à maman. Elle se taisait mais elle n’arrêtait pas de faire oui de la tête. Je n’ai pas bien tout compris ce que je répétais, comme quand je lui ai dit qu’elle devait s’aimer et se pardonner ses erreurs, mais bon ! Je ne savais pas que les parents faisaient eux aussi des bêtises. En tout cas Grand-mère a eu raison de dire à maman qu’elle avait le DEVOIR d’être heureuse et qu’elle le serait si elle avait le courage de faire ce qu’elle avait toujours eu envie de faire. Je le connais le rêve de maman !
Son rêve, c’est de s’occuper d’une jardinerie, c’est le métier qu’elle a appris mais qu’elle n’a pas pu faire quand je suis née. C’est beau de s’occuper de la Nature.
Grand-mère m’a dit aussi qu’elle allait bientôt nous laisser parce qu’elle était rassurée. Je ne suis pas triste parce qu’elle m’a promis que son esprit viendrait souvent nous faire des petits coucous.
Quand Grand-mère est partie, maman m’a dit tout à coup « tu sens le parfum de ta Grand-mère ? ». Et c’est vrai, dans ma chambre ça embaumait Opium comme quand elle était là !
Ce soir là, maman a fait une chose qu’elle avait jamais fait avant, elle a dormi dans ma chambre ! Et on s’est dit tous nos secrets !
Moi, le mien c’est de m’occuper des bêtes parce que les bêtes, je les comprends. C’est comme avec Grand-mère. Eux ils ne me parlent pas mais ils me montrent des images que je VOIS DANS MA TÊTE. Parfois c’est très triste.
En entendant mon secret, maman m’a serré fort et elle m’a dit « merci, oh merci, ma puce ». Quand je lui ai demandé de quoi elle me remerciait, elle a dit «de m’agrandir le Monde ».
En tout cas, c’est ma maîtresse qui avait raison de dire que les mamans aiment toujours leurs enfants ! C’est juste que parfois les gens y sont trop malheureux !
Dominique