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16 décembre 2022 5 16 /12 /décembre /2022 18:16

Présentation:

Il y a quelques années, en observant le parcours scolaire brillant d’un jeune garçon de notre connaissance, l’exploitation optimale de ses talents, tant intellectuels que sportifs ou artistiques, et les espoirs de son entourage quant à son avenir, il m’est venu à l’idée une petite nouvelle : « C’est quoi, cette vie ? ».

L’ayant relue récemment, je me suis demandée ce que « Jules » avait pu devenir… Et cet enfant qu’il avait eu avec « Juliette », a-t-il suivi les traces de ses parents et satisfait tous leurs espoirs ? Une suite est née de ces interrogations : « Ça, c’est la Vie ! ».

Et voilà une nouvelle en deux parties, en quelques sortes...

Avant de vous présenter la première, juste une petite précision, pour les non initiés, sur le « passage anticipé ». Il est dit qu’une enfant aborde le cours préparatoire de l’école primaire l’année de ses six ans. L’année scolaire commençant en septembre, contrairement à l’année civile, pour des raisons pratiques, une dérogation a été introduite pour les enfants nés entre septembre et décembre. Ainsi, un enfant pourra aborder le cours préparatoire en n’ayant que cinq ans, à condition d’en avoir six en septembre, octobre, novembre ou décembre.

Parfois, pour un enfant né en janvier de l’année suivante, voire février ou mars (ou plus jeune encore!), très exceptionnellement, si l’enfant fait preuve d’une grande maturité, s’il sait déjà lire, par exemple (oui, oui, ça arrive!), un enseignant pourra proposer un passage anticipé. Ce peut être une chance, ou pas, mais certains parents sont très demandeurs ! Bon, c’est un détail en ce qui concerne la nouvelle, mais cette histoire du passage anticipé m’a quand même gâché une partie de ma vie de directrice d’école, et je me suis même aperçue, presque vingt après qu’une maman m’en voulait encore de l’avoir refusé pour sa fille !!! (je n’étais pourtant pas seule en cause…).

Alors, c’est parti pour « C’est quoi, cette vie ? » Et la suite pour demain...

Bonne lecture

Frédérique

C'est quoi, cette vie? Nouvelle, par Frédérique

C’est quoi, cette vie ?

Nouvelle.

 

Jules a vingt huit ans et une belle réussite à son actif. Un beau parcours, en vérité…

Ses parents ont toujours eu une beaucoup d’ambition pour lui et ont su lui donner le meilleur. Après la crèche, il est entré à l’école maternelle à l’âge de deux ans et demi, bénéficiant ensuite d’un passage anticipé au cours préparatoire ; puis il a fait un parcours sans faute jusqu’à son bac, obtenu à l’âge de dix sept ans, avec mention « très bien », s’il vous plaît. Comme ses parents travaillaient tous les deux, il a toujours fréquenté la cantine, les garderies et les centres de loisirs, sans parler des colonies de vacances, une fois par an, ce qui lui a permis de découvrir la France, côté mer ou côté montagne, selon ce que ses parents décidaient pour sa santé. La collectivité, Jules en a fait le tour ! Au début, il avait du mal à supporter les autres, il s’en souvient parfaitement. Tout l’agressait… Le bruit, le mouvement incessant, l’impossibilité de s’isoler, de vivre à son rythme, l’obligation de toujours suivre la masse, quelque soit ses propres aspirations. Dix heures par jour, cinquante heures par semaine… Plus que ses parents ! Il attendait avec impatience le retour chez lui pour souffler un peu, se retrouver lui-même et profiter de ses jeux sans qu’aucun autre enfant ne vienne empiéter sur son territoire. Mais ces moments de répit étaient rares.

Enfant unique, ses parents avaient à cœur de l’inscrire à toutes sortes d’activités extrascolaires sportives ou musicales ; c’était indispensable selon eux pour que leur fils s’épanouisse et apprenne à mieux se connaître. Sans parler des rendez-vous réguliers avec les différents membres du corps médical pour veiller à le maintenir dans une bonne forme physique : orthophoniste, ophtalmo, orthodontiste… Non, Jules n’étaient pas souvent chez lui. Ses parents non plus, d’ailleurs.

Alors qu’il fréquentait l’école élémentaire, Jules avait un emploi du temps de ministre : cours de piano, -il avait voulu étudier la batterie, mais ses parents lui avaient opposé un véto catégorique: trop bruyant-, et entraînement régulier de football. Son père avait beaucoup insisté pour qu’il pratique un sport collectif. L’esprit d’équipe, c’est important dans la vie professionnelle.

Jules avait des petits talents, figurez-vous… Une bonne oreille et un sacré coup de crayon ! Il avait eu envie de s’inscrire à des ateliers d’arts plastiques ; mais ses parents avaient jugé qu’il ne fallait pas non plus trop en faire.

La musique, ça marchait bien ; Jules aimait vraiment cela et il était doué. Satisfait, son professeur l’inscrivit rapidement à des concours. C’était dans la logique des choses mais cela ne lui plaisait pas beaucoup. Par ailleurs, il y avait les matchs de foot, le mercredi ou le week-end… Jules aurait vraiment aimé qu’on lui fiche la paix de temps en temps. Mais pas question de se reposer sur ses lauriers : les vacances en famille étaient consacrées à la découverte de l’histoire « in situ », châteaux, musées, sites archéologiques, curiosités géologiques, et on n’oubliait jamais les cahiers de vacances.

Jules était un élève brillant. Savant, même. Il savait beaucoup de choses, et même parfois trop ! Ses professeurs lui demandaient souvent de se taire : il fallait laisser les petits copains répondre de temps en temps, quand-même. Evidemment, bien souvent, Jules se sentait frustré, d’autant que les autres enfants avaient eu vite fait de le prendre en grippe. Jules Kisaitou, on l’appelait. Ça l’agaçait prodigieusement. Mais cela ne le touchait pas trop car la plupart étaient des ânes, des cancres. Il n’avait pas vraiment de copain, mais il s’en fichait ; aucun autre enfant ne valait qu’on s’intéresse à lui de toute façon. Dès la seconde année d’élémentaire, il l’avait compris : il fallait qu’il soit le meilleur. La collectivité, ça servait à ça : apprendre à se détacher du lot et à écraser les autres.

Au collège, ses parents décidèrent de lui faire abandonner la musique. Les choses devenaient sérieuses ; il fallait se consacrer aux études. Par contre, ils décidèrent de lui maintenir une activité sportive, acceptant de changer le foot pour du tennis, Jules ayant des difficultés avec les sports violents.

Jules était devenu le meilleur et faisait la fierté de ses parents qui visait pour lui les plus hautes sphères de l’Etat. Les colonies de vacances avaient été remplacées par les séjours linguistiques, en Angleterre, aux Etats-Unis… Dès la fin du collège, on lui demanda ce qu’il envisageait pour son avenir. Avec ses résultats scolaires, s’il continuait comme ça, il pourrait intégrer une Grande Ecole, faire partie des élites de la Nation. Jules se voyait déjà ministre, et même président de la République, pourquoi pas ? Mais surtout, il espérait gagner beaucoup d’argent, avoir une grande maison, et même plusieurs, une en ville, une au bord de la mer, avec une piscine… Il conduirait une voiture de sport ; il pourrait même se payer un bateau. C’est cela, qu’il voulait, Jules : gagner un maximum d’argent pour pouvoir se payer toutes ses envies.

Jules était entré en « prépa » à 17 ans, seul mineur de sa promotion. Difficile. Les conditions d’hébergement des pensionnaires étaient plus que spartiates : chambres insalubres et mal éclairées, literie sale et inconfortable, nourriture pire qu’en régime hospitalier, sanitaires douteux. Le premier jour, ses parents avaient déjà dû lui acheter en catastrophe un matelas digne de ce nom, des draps, un oreiller et un duvet de camping, sans oublier une lampe correcte pour pouvoir étudier et une étagère pour ranger ses livres. Les professeurs avaient des exigences infernales : celui de français imposait à tous d’écrire à l’encre bleue exclusivement ; celui de mathématiques voulait que les élèves arrivent vingt minutes avant l’heure du cours pour être sûr de commencer à l’heure précise. Aucune fantaisie n’était admise dans l’achat des fournitures : lorsqu’une référence de livre était donnée, avec un format précis et une année d’édition, c’est celui-là qu’il fallait trouver et pas un autre. Tous les élèves devaient avoir le même livre. Et c’était la même chose pour tout. La vie était monacale, pour ne pas dire militaire.

Mais Jules était déterminé à réussir. Il était là pour travailler, de toute façon, et il ne faisait plus que cela. Plus rien d’autre ne comptait : ni musique, ni sport désormais, ni la moindre activité artistique ne venait égayer ses journées consacrées à l’étude. Il était sérieux, ne se mêlait jamais aux fêtes régulièrement organisées par ses copains de promo pour décompresser, orgies, beuveries, coucheries ; ça n’était pas son truc et ses parents l’avaient mis en garde contre ces dangereuses dérives. Les filles, il les regardait de loin ; il avait le temps d’y penser. Les études avant tout. Il passait les week-ends et les vacances chez lui sans mettre le nez dehors. Il étudiait nuit et jour, soutenu par un savant cocktail de vitamines et de compléments alimentaires. Il était pâle à faire peur, mais il était toujours le meilleur !

Jules est devenu une bête à concours… Il a tout enchaîné, remporté tous les lauriers. Bardé de diplômes, il regarde vers l’avenir avec confiance. A vingt-huit ans, il vient d’obtenir un premier poste et il ose à peine dire à ses parents combien il va gagner ! Il va pouvoir se payer tout ce dont il a rêvé, d’autant qu’il aura le temps de mettre de l’argent de côté s’il doit travailler quarante cinq annuités !!!

Depuis deux ans, il fréquente une jeune fille, Juliette. Elle est brillante, elle aussi. A présent, ils ont envie de se marier, d’avoir des enfants.

Oui, Jules a réussi.

Quelques mois plus tard…

Jules et Juliette sont comblés ; un heureux évènement se profile à l’horizon. Juliette plaisante :

- C’est bien, il va naître en janvier… On pourra lui faire faire un passage anticipé…

Le cœur de Jules se serre. En un éclair, il s’est revu enfant, perdu dans la cour de l’école primaire, étranger aux ébats joyeux des autres enfants. Il déglutit péniblement. Sa salive a un goût amer tout à coup. Un passage anticipé et un tiers de sa vie à étudier ?

Mais c’est quoi, cette vie ?

.

 

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