Il y a quelques semaines, nous ne sommes pourtant pas des téléspectatrices assidues, nous avons regardé un policier « meurtres en Lorraine », presque par hasard ! Peut-être pour retrouver des coins connus ou par curiosité histoire de découvrir Stéphane Berne acteur. Une chose est sûre dès la première minute nous tenions notre prochaine destination de voyage, nous avions songé à l’Alsace, ce serait la Lorraine, annexée !
Pourquoi annexée ? Cette appellation, qui je ne vous le cache pas est en fait très péjorative, remonte à loin. C’est ainsi que dans notre famille on nommait cette région longtemps restée sous le joug allemand. Ses habitants s’y opposèrent ils ? Je n’ai jamais cherché à le savoir, par contre ce dont je suis certaine c’est qu’en 1870, lorsque Napoléon III déclara la guerre à la Prusse, pour rester française la branche Dampfhoffer dont nous descendons a préféré tout abandonner et quitter Gumbreschthoffen en Alsace. Par sauts de puce, ils sont arrivés en Lorraine, la vraie !!! et y ont fait souche ; notre grand-père maternel ne manquait jamais de souligner qu’il était né à Héréménil en FRANCE. Nous avons donc grandi dans une famille où la branche maternelle semblait toujours minimiser l’intérêt de cette partie de Lorraine. Voilà pourquoi nous n’avions jamais ressenti de motivation pour en visiter le moindre recoin !
Une première halte non loin de Colmar pour randonner sur les hauteurs d'Eguisheim, histoire de se mettre en jambe et nous avons mis le cap sur Sarrebourg point de départ d’une semaine de vagabondage sur les Vosges du Nord.
Nous avons suivi la route des Arts du Feu, visité cristalleries et faïenceries. Nous nous sommes régalées au musée Lalique,
avons tout appris de la faïence au Moulin de la Blies à Sarreguemines
et avons retrouvé celui que nous ne quittons plus depuis une petite année, Marc Chagall. Le parcours Chagall à Sarrebourg est un enchantement, une véritable jubilation !
Chapelle des Cordeliers Sarrebourg
De randonnées en visites de sites historiques nous avons découvert une région superbe mais nous avons très vite été tenaillées par une question d’importance, cette Lorraine là est elle vraiment redevenue française ?
Certes en cette période pascale les vacanciers sont légions et les allemands de grands voyageurs, mais était ce la seule raison au fait que nous n’entendions pour ainsi dire jamais parler français ? Inutile de saluer ceux que nous croisions lors de nos déambulations dans la langue de Voltaire, Goethe nous répondait, voire même s’adressait à nous sans avoir l’air de songer une seule seconde qu’en France ce n’est pas vraiment la coutume. Nous avons commencé à vraiment nous interroger lorsque dans une cristallerie les vendeuses nous ont avoué ne pas posséder l’expression française correspondant à certains mots maîtrisés uniquement en allemand. Lorsque nous avons trouvé des affichages pédagogiques et des annonces de festivités encore une fois en allemand, il a été nécessaire d’y regarder à deux fois pour être certaines que l’activité concernée se tenait bien en France, nous fûmes consternées.
Nous a alors traversé l’esprit la question suivante, cela valait il la peine de reprendre au prix d’une hécatombe de vies humaines une Lorraine qui ne semble plus très sûre d’être française ?
Vivant dans une région frontalière, nous savons ce que veut dire bilinguisme. En tant qu’enseignantes ayant travaillé en Pays catalan, nous avons toujours eu à coeur de faire découvrir, à notre humble niveau, cette langue à nos élèves. Même si nous n’étions pas dans une école bilingue, nous chantions, lisions des ouvrages à nos élèves etc... Néanmoins le français était et est très présent et maîtrisé partout !
Alors quand en traversant le hameau de Waldeck près de Philippsbourg nous nous sommes aperçues à leurs immatriculations que tous les habitants venaient d’Allemagne, que nous avons constaté dans la ville d’Hapselschiedt que la boulangerie n’affichait ses informations qu’en allemand (elle a pourtant été détruite à presque 100 % par les pilonnages « ennemis »), que les résidents des campings où nous avons séjourné étaient à 90% allemands, même si la frontière est à un jet de pierre et ne parlait pas un traître mot de français, nous avons été choquées. Je vous choque peut-être,tant pis !
Je me sens européenne et je suis contente (même si cela est imparfait et qu’il y a fort à redire) que nous ayions pu « faire une certaine Europe » mais là le problème est différent.
Nous avons vécu pendant ces quelques jours une forme de rejet par des personnes qui manifestement imposaient leur façon d’être et affichaient leur ignorance et parfois leur mépris de notre différence ! Et cela en France quand même ! Je n’avais jamais expérimenté ce sentiment, se sentir exclu et étranger dans son propre pays. Certes cela permet de réfléchir à ce que vivent ces peuples à qui nous imposons (ou avons imposé) notre domination mais bon !
Aimant le voyage, nous sillonnons les routes et rien qu’en 2018 nous avons circulé en Espagne, Hongrie, Autriche, Slovaquie sans que jamais nous nous sentions écrasées. Chacun avait à coeur de faire un pas vers l’autre, nous apprenions les petits mots d’usage qui montrent que nous avons conscience d’être « invitées » et si un « bonjour » nous échappait très vite nous corrigions. Eux de leur côté faisait de même, à Graz en Autriche 2 hommes ont remué le banc et l’arrière banc pour nous piloter vers le camping !
Alors après la visite passionnante de la Citadelle de Bitche, après avoir observé ceux que nous croisions, nous ne pouvions que nous dire que cela ne valait pas le coup de sacrifier tant de vies humaines car à ce que nous avons constaté même le devoir de mémoire est un mot vain !
Jeunes et un peu moins n’ont rien à faire du passé, l’Histoire n’est pas leur problème et c’est dommage car cela permettrait sans doute par une vraie prise de conscience d’éviter de répéter les mêmes horreurs, les mêmes erreurs. Pourtant cette visite est remarquablement organisée, une scénographie ponctue la découverte des souterrains et si nous avons mis une bonne heure et demie à tout voir et écouter nous avons sans cesse été rattrapées et doublées par des touristes faisant une visite « à la japonaise » dont ils n’ont rien pu retirer sauf sans doute qu’il faisait en ces lieux où tant d’hommes et femmes sont morts, un froid polaire. Des vies fauchées pour satisfaire l’honneur de leurs supérieurs, des hommes politiques qui ne visaient que leur propre gloire. Une gloire nourrie de chaire à canons, de vies sacrifiées sur l’autel de la Patrie. En ce qui me concerne, mon sens patriotique étant depuis longtemps très atténué, je me suis instantanément vue dans la peau d’un déserteur et j’ai compris notre grand-père dont 4 ans sur le front entre 14–18 avait eu raison de l’idéal civique.
Voilà nous avons conclu ces vacances par une halte très ressourçante en Lorraine, pas annexée et dans les Vosges du sud. Nous avons réentendu parler français, anglais et même espagnol et constaté avec plaisir que nous n’étions pas les seules à dénoncer cette « germanisation » qui sévit plus au nord !
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Nous sommes deux soeurs... L'une peint, l'autre écrit. Nous avons envie de partager nos vécus, nos ressentis, nos expériences; de témoigner... Nous aimons par dessus tout la nature, notre plus grande source d'énergie... Sur ce blog, nous vous présenterons des peintures, des livres, mais aussi des photos de nos voyages, de nos randonnées, des récits... Nous tenterons enfin de vous entraîner dans la grande aventure de notre vie: notre cheminement spirituel vers l'Amour et la Lumière.