Profitant de notre halte forcée à Albarracin, nous avons prospecté les environs et passé un moment fort sympathique dans une petite ville qui a première vue ne semblait pas casser trois pattes à un canard. Erreur !
Cella implantée sur un plateau aride, dépassant les 1000 mètres d’altitude, se niche au creux d’une dépression qui a toutes les caractéristiques d’oasis. Colonisée par les romains puis occupée par les arabes, Cella doit sa réputation à une source, La Fuente de Cella, mise en valeur par les Templiers au XIIe siècle.
De forme elliptique et de dimensions imposantes, 25 mètres sur 35, la fontaine a été remaniée sous la forme que nous lui connaissons actuellement au XVIIIe siècle. Elle alimente des canaux qui se greffent sur un réseau d’eaux captées dès l’époque romaine au moyen d’un aqueduc.
Nous avons suivi un moment l’un de ces canaux qui par un système ingénieux distribue l’eau dans la zone horticole du village. Si aujourd’hui cette eau alimente « un green », on peine toutefois à croire que c’est une opération judicieuse quand on voit l’aridité des terrains avoisinants et le délabrement de pas mal d’exploitations agricoles !!!, car il fut un temps où l’eau était une bénédiction pour les habitants de Cella !
Un gigantesque lavoir, encore prêt à servir, et d’étranges bassins dont nous n’avons pu trouver la fonction, pisciculture, bassins de décantation pour des tanneries ?, témoignent du rôle de l’eau dans l’économie locale par le passé.
Une courte déambulation dans les rues de la ville désertée par ses habitants tous regroupés dans les restaurants et cafés du paseo près de la fuente, un bon moment à nous défouler sur le parc d’activités réservé aux seňors et nous repartions pour Albarracin déconfits de n’avoir pas trouvé l’acqueduc romain !
Pourtant, nous allions vérifier une fois encore que la vie est bien faite. Au détour du chemin, à la hauteur de Gea de Albarracin, j’ai eu juste le temps d’apercevoir un petit panneau annonçant « Acueducto romano ». Demi tour sur les chapeaux de roues et nous stoppions le Ptibus sur le bord de route à la recherche de notre acqueduc sans vraiment trop y croire, l’accès était tout sauf bucolique.
Passé une zone sinistrée ayant tout de l’ancienne décharge, nous avons atteint un petit valon par une piste aboutissant à un parking !
A propos de décharge, il faut quand même bien avouer que si nous avons des progrès à faire en matière d’environnement, en Espagne c’est vraiment pas top, il y a même du « taf ». Certes les autorités semblent s’y atteler mais nous avons plus d’une fois trouvé sur notre route de ces immenses décharges débordants de tout ce que l’on peut imaginer et dans des endroits sublimes qui plus est !!!
Des panneaux explicatifs nous ont alors permis de comprendre que nous faisions fausse route en nous attendant à découvrir un acqueduc à la mode « Pont du Gard ».
Sur 25 kilomètres les romains ont acheminé les eaux du Guadalaviar jusqu’à Cella. En approchant de Cella l’acqueduc devient souterrain atteignant parfois une profondeur de 60 mètres. Outre ce tronçon il compte 9 kilomètres de galeries taillées dans les collines qu’il traverse avec quelques passages où la conduite taillée à même la roche est à ciel ouvert !
Ce vénérable acqueduc de plus de 13 siècles d’existence était encore en fonction au moment de la reconquête (XIIe siècle), il alimentait des installations artisanales, des moulins, des cités. Il a ensuite servi d’abris aux pasteurs, agriculteurs, bétail avant de recevoir maintenant les visiteurs en quête de sensation ! Une prouesse technologique qui laisse pantois lorsque l’on sait que tout au long du trajet qui se faufile dans un relief tourmenté la pente de 3/1000 est constante, que ce sont 50 000m3 de roches qui ont été évacués et que le débit était de 300 litres par seconde !
Il faut préciser que Rome a su en toute circonstance se donner les moyens de ses ambitions. Un corps spécifique de fonctionnaires existait, formé d’ingénieurs, de topographes, de fontainiers mais aussi des agents administratifs chargés de gérer la logistique de la mise en œuvre des chantiers.
Sur le chemin du retour nous avons repéré le tracé de l’aqueduc jusqu’aux environs d’Albarracin grâce aux puits de ventilation qui ponctuent tout le trajet ! Ces puits ont dans un premier temps servi à évacuer les roches au fur et à mesure du percement, ils étaient nécessaires à la bonne marche de l’aqueduc pour assurer une parfaite ventilation et permettre les travaux de surveillance !
Le Gastounet requinqué, nous quittons Albarracin pour le Monasterio de Piedra. Le temps est à l’orage et c’est sous un ciel chargé que nous faisons halte à Daroca. La ville est belle et son passé rejoue celui de presque toutes les villes que nous avons traversées.
Forteresse arabe, églises, ayuntamiento mais par ailleurs et de facture plus rare, la Fuente de « los veinte caňos », un ermitage troglodytique et de nombreuses grottes encore récemment habitées par les civils ... nous avalons les kilomètres et les rencontres.
Une adorable vieille dame nous a conté sa vie et fait découvrir un joli et vieux puits, à la fenêtre du Diable !
Do